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Les féminicides en Région wallonne

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 192 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 26/06/2020
    • de DURENNE Véronique
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    Bien que souvent utilisé dans les médias et dans notre langage quotidien, le terme « féminicide » n'a pas d'existence juridique en Belgique.
    N'étant pas inscrit dans le Code pénal, il ne constitue donc pas en tant que tel une infraction spécifique.

    Certains voudraient faire intégrer le « féminicide » dans le Code pénal. Cela permettait également de mieux identifier et donc de combattre le phénomène. En France, la députée LRM Fiona Lazaar avait présenté récemment les conclusions de sa mission d'information sur la reconnaissance du mot « féminicide » devant la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. Le rapport conclut notamment que « l'inscription en droit du terme de féminicide semble poser davantage de difficultés qu'elle n'apporterait de véritables solutions à la prise en charge des femmes victimes de violences ». « Cela se révélerait inutile, voire contre-productif ».

    D'autres privilégient une nouvelle notion : le meurtre intrafamilial. C'est le cas du magistrat à la Cour de cassation et professeur d'université Damien Vandermeersch qui travaille en ce moment à la réforme du Code pénal au sein d'une commission.

    Début avril, un groupe de travail interministériel, dans lequel vous siégez, sur la question des violences faites aux femmes, dans le cadre de l'actuel confinement lié à la pandémie de la Covid-19 a notamment été mis en place. L'objectif de la réunion, avec des représentants des 12 ministres de la Conférence interministérielle « Droits des femmes », était de « faire un premier point tant en matière de prévention, d'information, d'accompagnement et de protection des victimes, que de répression et de suivi des auteurs ».

    Quels sont les premiers enseignements et conclusions issues de ce groupe de travail interministériel spécifique ?

    Quels ont été les dangers particuliers du confinement et surtout les aménagements d'urgence de nos politiques de soutien et de suivi dans le cadre de ces violences ?
  • Réponse du 31/08/2020
    • de MORREALE Christie
    Le 22 juin dernier, deux femmes ont été tuées par leur (ex)compagnon en Belgique. Ce qui porte à 12, selon le décompte des associations de terrain, le nombre de féminicides en 2020.
    La crise sanitaire a été propice à une recrudescence des violences conjugales.

    Nous ne pouvons plus tolérer qu’en Belgique des femmes se fassent encore tuer des coups de leurs compagnons ou peinent à trouver de l’aide pour sortir de ces situations.

    La lutte contre les violences faites aux femmes nécessite une conjonction d’actions allant de la prévention, à la protection des victimes, jusqu’à la répression des auteurs. Nous ne pourrons avoir d’impacts réels dans notre Belgique fédérale, que si nous unissons nos forces pour agir en cohérence à tous les niveaux de pouvoir. Les défis à relever sont importants. Il s’agit bien là des objectifs de la CIM Droits des femmes qui s’attèle actuellement à travailler en priorité sur cette question précise des violences faites aux femmes.

    Suite à l’audition d’experts, ainsi que sur base de recommandations réalisées par le GREVIO dans son rapport intermédiaire adressé à la Belgique, il a été décidé de diviser le travail en quatre sous-groupes, sur base des quatre axes de la Convention d’Istanbul, à savoir les Politiques intégrées et la recherche, la Prévention-sensibilisation, la Protection-soutien et enfin les Poursuites.

    Chaque groupe de travail est piloté par une ou plusieurs entités, qui a identifié une liste de thématiques à mettre sur la table de la CIM DDF. La liste complète reprenant les thématiques de travail de l’ensemble des groupes a fait l’objet de débats et a été approuvée à la CIM du 26 juin dernier.

    Il nous faut maintenant passer de la parole aux actes et avoir un impact significatif à tous les niveaux de la chaine d’intervention ; qu’il s’agisse d’améliorer l’enregistrement de nos données statistiques relatives aux victimes, de renforcer la formation des professionnels de première ligne avec une perspective de genre, de généraliser l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle dès le plus jeune âge, de généraliser les systèmes d’alarme harcèlement pour protéger les victimes à haut risque, ou encore de mettre en œuvre un outil performant d’évaluation des risques à tous les niveaux d’intervention…

    Nous travaillons également avec mes homologues de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bénédicte Linard, et de la Cocof, Barbara Trachte à l’établissement d’un Plan intrafrancophone de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce Plan devrait voir le jour au début de dernier trimestre de cette année.

    Toutefois, en ce qui me concerne, j’ai déjà pris une série de mesures visant à renforcer la prévention et la protection des femmes en Région wallonne.

    Les appels à la ligne d’écoute violences conjugales ont triplé pendant la crise sanitaire. Pendant cette période, la ligne a été renforcée par l’ouverture d’un poste d’écoute supplémentaire et en élargissant le chat de 2h/semaine à 10h/jour. L’augmentation des appels et la gestion du chat étaient alors gérées par du personnel d’associations partenaires mis en télétravail.

    À l’heure de la reprise des activités dans le cadre du déconfinement, la ligne doit encore faire face au double d’appels par rapport à sa situation « habituelle ». Par ailleurs, le personnel venu en renfort de manière temporaire n’était plus disponible et le personnel de la ligne d’écoute était, quant à lui, épuisé psychologiquement par plusieurs semaines de travail intense avec un public extrêmement fragilisé.

    Au vu de ce contexte, j’ai décidé d’accorder à la ligne d’écoute « Violences conjugales » un subside spécifique de 41 730 euros, afin d’engager du personnel permettant ainsi de maintenir pendant cette période de transition un troisième poste d’écoute et le « chat », pour la période allant du 1er juin au 31 décembre 2020.
    Une campagne de communication pour encourager les victimes à signaler les actes de violence a également été menée durant la crise sanitaire entre la mi-avril et fin mai. Elle devrait faire l’objet d’une relance à l’automne.

    Par ailleurs, dans le cadre du budget initial 2020, j’ai souhaité renforcer considérablement les moyens mis à disposition des associations de terrain luttant contre les violences faites aux femmes. Le budget a ainsi été augmenté de 400 000 euros, passant à plus de 1 million d’euros, pour permettre la mise en œuvre du décret du 1er mars 2018 relatifs à l'agrément et au subventionnement des services et dispositifs d'accompagnement des violences entre partenaires et des violences fondées sur le genre. À terme, ces budgets permettront d’agréer une quinzaine de structures avec des subsides structurels.

    En outre, suite aux engagements pris dans le cadre de la CIM Droits des femmes du 8 mai dernier, un courrier signé conjointement avec mon collègue Pierre-Yves Dermagne a été adressé aux chefs de corps de toutes les Zones de Police de la Région wallonne. Il leur est recommandé de rappeler les victimes de violences conjugales s’étant manifestées avant la crise. Si cette mesure doit s’effectuer avec prudence, elle est susceptible, selon les Pôles de ressources en violences conjugales, de générer un véritable sentiment de sécurité chez les victimes.

    De même, je suis en train de mettre en place les relais pharmacies pour les victimes de violences conjugales, à l’échelle de la Région wallonne ; et ce, en collaboration avec les associations de pharmaciens (dont l’APB et l’AUP), les villes qui ont déjà mené de tels projets pilotes ainsi que les pôles de ressources « violences conjugales ». Cette mesure, qui devrait pouvoir être concrétisée avant l’automne, constituera un nouveau relais de proximité non négligeable pour les victimes.