/

Villes et communes de la Région wallonne - Utilisation par le personnel communal des fichiers communaux pour les mandataires.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 108 (2005-2006) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 09/03/2006
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    En cette période délicate de l'approche des élections communales de 2006, il faut être particulièrement prudent dans le cadre du respect de la législation sur la protection des personnes. Aussi, il me semble que la Région wallonne, au travers du département de Monsieur le Ministre, devrait préciser ce qui peut être utilisé par les mandataires communaux en place tout au long de cette année et, surtout, pendant les six mois qui précèdent les élections.

    Je prends pour exemple un membre du collège des bourgmestre et échevins qui utilise les fichiers communaux pour adresser ses vœux à l'ensemble des ménages de sa commune, faisant reproduire les données communales sur étiquettes et faisant porter par le personnel communal toutes ces enveloppes au domicile des chefs de famille.

    Je pense aussi au même mandataire communal qui utilise les fichiers communaux pour écrire à toute une série d'entreprises ou de personnes.

    Ne conviendrait-il pas d'interdire aux employés communaux de mettre de tels listings à la disposition des mandataires communaux, qu'il soit bourgmestre, échevin ou simplement conseiller communal ?
  • Réponse du 29/03/2006
    • de COURARD Philippe


    La question posée par l'honorable Membre a retenu ma meilleure attention.

    Il est en effet fréquent que les administrations communales mettent à la disposition des mandataires des registres, des listes contenant un certain nombre de données à caractère personnel.

    L'article 1er, § 1, de la loi du 8 décembre 1992, ci-après intitulée LPV, définit les « données à caractère personnel » comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Est réputée identifiable, une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale.

    Cette matière est donc réglée en grande partie par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel, sous réserve d'autres législations plus spécifiques au type de registre ou de liste concernée.

    A. La loi relative à la protection de la vie privée

    Les communes qui mettent à disposition des registres et/ou des listes et les personnes qui reçoivent ceux-ci des communes doivent se soumettre aux obligations énoncées dans la LPV.

    Cette loi définit le « responsable du traitement » comme la personne physique ou morale, l'association de fait ou l'administration publique qui, seule ou conjointement avec d'autres, établit la finalité et les moyens du traitement de données à caractère personnel.

    Le « destinataire » est, quant à lui, définit comme la personne physique, la personne morale, l'association de fait ou l'administration publique qui reçoit communication de données, qu'il s'agisse ou non d'un tiers.

    a) Le principe de finalité

    Les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne peuvent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités. Elles doivent, en outre, être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont obtenues et pour lesquelles elles seront traitées ultérieurement (article 4 de la LPV).

    Les communes doivent donc apprécier au cas par cas quels traitements elles entament et quelles sont les finalités de ces traitements.

    L'application du principe de finalité aux registres communaux institue la modalité selon laquelle ces registres ne peuvent être utilisés que dans le but pour lequel ils ont été créés. Toute autre utilisation est interdite par la loi du 8 décembre 1992.

    A titre d'exemple, l'échevin qui s'occupe des contrats de mariage ne peut pas, en vue des élections, envoyer du courrier aux citoyens concernés, en leur rappelant amicalement qu'il était l'échevin en charge lors de cette journée.

    b) Possibilité de s'opposer au traitement

    L'article 12 de la LPV octroie à toute personne le droit de s'opposer, pour des raisons sérieuses et légitimes tenant à une situation particulière, à ce que les données qui la concernent fassent l'objet d'un traitement. La loi énumère les modalités pratiques à respecter.

    c) Le principe de proportionnalité

    Le principe de proportionnalité implique que le traitement lui-même, ainsi que le choix ou la sélection des données à caractère personnel qui sont, par exemple, communiquées à des tiers, doivent être non seulement utiles, mais aussi nécessaires par rapport au but poursuivi.

    d) Interdiction de traiter des données sensibles

    Les données sensibles portent sur la race, l'origine ethnique, la vie sexuelle, les convictions ou activités sur le plan politique, philosophique ou religieux, ou encore sur l'appartenance syndicale.

    Ces données bénéficient d'une protection accrue. En principe, il est interdit de traiter ces données sous réserve de quatre exceptions énumérées limitativement à l'article 6, § 2, de la LPV.

    e) Respect de l'obligation de l'information

    En vertu de l'article 9 de la LPV, le responsable du traitement est tenu de communiquer des informations dites de base à la personne concernée lorsqu'il collecte des données à caractère personnel en vue de leur traitement ou lorsqu'il reprend pour la première fois ces données dans un traitement.

    En effet, la personne concernée doit au moins connaître le nom et l'adresse du responsable du

    traitement, les finalités du traitement et l'existence d'un droit de s'opposer au traitement des données.

    L'article 9 prévoit également la communication d'informations supplémentaires, mais uniquement lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer un traitement équitable à la personne concernée.

    f) Respect de l'obligation de déclaration

    Lorsqu'un destinataire souhaite traiter de manière informatisée des données relatives à des personnes, il doit préalablement en faire la déclaration auprès de la Commission de la protection de la vie privée.

    Les conditions procédurales sont prévues à l'article 17 de la loi du 8 décembre 1992.

    g) Obligation de sécurité

    Le responsable du traitement doit veiller à ce que l'accès aux données contenues sur les registres et les listes reste limité aux personnes qui ont, de par leurs fonctions ou pour les nécessités d'un service, directement accès aux informations enregistrées. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation des fichiers et, notamment, veiller à ce que ces personnes soient dans l'impossibilité de modifier, d'ajouter ou encore d'effacer des données.

    h) Obligation de tenir les données à jour

    Le responsable du traitement doit également veiller scrupuleusement à ce que les données soient mises à jour et à ce que soient rectifiées ou supprimées les données erronées, incomplètes et non pertinentes, ainsi que les données obtenues ou traitées en violation avec les dispositions relatives à la communication, le principe de finalité et la protection des données sensibles.

    i) Contrôle et sanctions

    L'article 31 de la LPV permet à toute personne qui estime que la collecte ou le traitement de données qui la concernent ont été effectués en violation avec la réglementation, soit de déposer plainte auprès de la Commission, soit de déposer plainte auprès des instances judiciaires, soit de saisir de la contestation le président du tribunal de première instance siégeant en référé.

    Les articles 37 à 43 de la LPV énumèrent les sanctions pénales prévues en cas de non-respect des obligations contenues dans la loi du 8 décembre 1992 : amendes, insertion du jugement dans des journaux, confiscation des supports matériels des données, effacement des données, destruction de données, emprisonnement.

    B. Instruments mis à la disposition des mandataires

    1) La liste des électeurs

    En vertu de l'article 17 du Code électoral du 12 avril 1894 et des articles L4121-3 et 4 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (anciens articles 3 et 4 de la loi électorale communale du 4 août 1932), les partis politiques et les candidats mandataires peuvent utiliser la liste des électeurs, moyennant le respect de conditions qui découlent de la législation en matière électorale.

    Les données reprises dans les listes des électeurs sont des données à caractère personnel et, pour cette raison, sont soumises à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée.

    Le partis politiques et les candidats mandataires peuvent donc utiliser cet instrument moyennant le respect d'un certain nombre de conditions :

    - cet instrument ne peut être utilisé qu'à des fins électorales. Toute autre utilisation est interdite. Exemple : le mandataire qui envoie des vœux à un électeur se rend coupable du non-respect du principe de finalité. En effet, cela n'a aucun rapport avec les opérations électorales ;

    - les partis politiques et les candidats mandataires qui en ont reçu des exemplaires ou des copies ne peuvent les communiquer à des tiers ;

    - cet instrument peut être utilisé après les élections, mais il ne pourra l'être qu'à des fins électorales et donc pas pour n'importe quelle finalité. A titre d'exemple, on peut citer l'envoi d'un courrier pour informer les électeurs des résultats de l'élection.

    Il faut également noter que le parti politique qui ne présente pas de liste de candidats ou le candidat mandataire qui est radié ultérieurement de la liste, ne peuvent pas faire usage de la liste des électeurs, fût-ce à des fins électorales, sous peine de sanctions pénales prévues à l'article 197 bis du Code électoral.

    2) Le registre de la population et des étrangers

    En vertu de la loi du 19 juillet 1991 relative au registre de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques, des registres de la population et des étrangers sont tenus dans chaque commune.

    L'accès aux registres de la population et au registre des étrangers, de même que la communication des informations contenues dans lesdits registres, ont été strictement réglementés par les quatre arrêtés royaux du 16 juillet 1992.

    Les données inscrites au registre de la population et au registre des étrangers sont des données à caractère personnel et, pour cette raison, tombent dans le champ d'application de la loi du 8 décembre 1992. Les autorités communales doivent donc respecter les principes énoncés par cette loi (principe de finalité, droit d'opposition, principe de proportionnalité, …).

    L'article 1er de l'arrêté royal du 16 juillet 1992 détermine de manière limitative les informations mentionnées dans les registres de la population et dans le registre des étrangers.

    Afin d'assurer la protection de la vie privée, la communication de informations contenues dans les registres communaux de la population est sévèrement réglementée par l'arrêté royal du 16 juillet 1992 relatif à la communication des informations contenues dans les registres de la population et dans le registre des étrangers (articles 2 à 11 de l'arrêté royal).

    En ce qui concerne la consultation des registres, l'article 5 de l'arrêté royal stipule que la consultation par les services communaux et les services qui dépendent du CPAS n'est autorisée qu'à des fins de gestion interne. Toute consultation desdits registres est interdite aux personnes privées.

    La consultation des registres à des fins privées par l'Officier de l'Etat civil, les autres membres du corps communal, le personnel des services communaux et du CPAS est également proscrite.

    Le principe posé est donc celui de la non communication à des tiers de listes de personnes inscrites aux registres.

    Toutefois, l'article 6 énumère une première exception pour les autorités ou organismes publics habilités qui, par ou en vertu de la loi, sont autorisés à obtenir de telles informations, et ce, pour les informations sur lesquelles porte cette habilitation (ex. police communale, ou, notamment encore, police judiciaire).

    L'article 7 énumère quatre autres exceptions : les organismes de droit belge qui remplissent des missions d'intérêt général (écoles, associations de jeunes, etc.), les autorités étrangères, les instituts de sondage et les partis politiques. Cet article mentionne également les conditions procédurales.

    En ce qui concerne les partis politiques, ceux-ci peuvent obtenir communication de listes de personnes qui ne reprennent pas d'autres informations que celles énumérées à l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 8 août 1983 organisant un registre national des personnes physiques pendant les six mois qui précèdent une élection ordinaire ou dans les quarante jours qui précèdent la date d'une élection anticipée, et ce, à des fins électorales exclusivement.

    Les décisions du collège des bourgmestre et échevins concernant la communication ou le refus de communication de listes de personnes sont, conformément à l'article 7, a), de l'arrêté royal du 16 juillet 1992, régies par la tutelle administrative générale.

    De plus, les infractions aux dispositions de l'arrêté royal du 16 juillet 1992 sont passibles de poursuites pénales sur la base de l'article 7 de la loi du 19 juillet 1991.

    3) Listes de naissance

    Les listes de naissance font partie de registres de l'état civil dont la publicité est régie par l'article 45 du Code civil.

    Cet article stipule que « toute personne peut se faire délivrer par les dépositaires des registres de l'état civil des extraits inscrits dans ces registres ».

    Les lites de naissance peuvent donc être fournies à des tiers pour autant que les adresses des personnes concernées n'y figurent pas.

    Il en va de même pour les listes de décès.

    4) Le registre national des personnes physiques

    La loi du 8 août 1983 organique du registre national énumère, en son article 3, les informations d'identification de base communes à la majorité des fichiers administratifs.

    L'accès et la consultation de ce registre sont prévus par l'arrêté royal du 3 avril 1984 relatif à l'accès de certaines autorités publiques au registre national des personnes physiques, ainsi qu'à la tenue et au contrôle des informations.

    L'article 1er stipule que « toute commune a accès aux informations contenues au registre national des personnes physiques et relatives aux personnes inscrites dans ses registres de population ou dans ses registres des étrangers, ainsi qu'aux personnes qui ont été inscrites dans lesdits registres et qui sont décédées, ont été rayées d'office ou ont été rayées par suite de leur établissement à l'étranger. ».

    L'article 3 précise que les informations ne peuvent être utilisées qu'à des fins de gestion interne. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucune communication à des tiers, excepté pour communiquer la dernière adresse connue si une demande légitime est formulée par un tiers pour obtenir cette adresse conformément aux dispositions de l'arrêté royal du 16 juillet 1992 précité.



    L'article 6 ajoute que, dans chaque commune, un agent doit être spécialement chargé de veiller à la correcte application de la loi du 8 août 1983 pour ce qui concerne notamment la protection de la vie privée et l'accès aux informations et l'exercice du droit de communication.

    Récemment, l'arrêté royal du 8 janvier 2006 est venu déterminer l'ensemble des types d'information associés aux informations légales visées à l'article 3 de la loi du 8 août 1983 afin de pouvoir identifier et localiser précisément une personne inscrite au registre national. On peut citer, à titre d'exemple, pour la catégorie « nom et prénom » ou encore, par exemple, les titres de noblesse, le pseudonyme.

    En ce qui concerne les provinces, les principes énoncés ci-avant sont d'application. Pour les listes des électeurs, il convient de se référer à l'article L4151-3, § 3, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation qui reproduit les mêmes principes que ceux applicables aux communes.

    En conclusion, la consultation et la communication des informations contenues dans les registres et dans les listes, qu'ils soient communaux ou provinciaux, sont sévèrement réglementées par diverses dispositions légales. Toute personne qui constaterait un problème au niveau de la collecte ou du traitement des données peut déposer une réclamation auprès de diverses instances administratives ou judiciaires existantes.