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L'impact du nourrissage sur les populations de sangliers et de cervidés

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 343 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 29/06/2020
    • de DUPONT Jori
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Selon l'IEW, dans son livre sur la chasse wallonne de 2015, page 42, nous pouvons lire : « les publications scientifiques relèvent l'impact important du nourrissage dissuasif eu égard à l'accroissement des populations. Utilisé de manière récurrente, il contribue à augmenter les densités de sanglier et à son extension territoriale. En l'absence de politiques visant à maintenir de faibles densités, le nourrissage accentue les dégâts agricoles ».

    Y a-t-il eu des études plus récentes ?

    Est-ce toujours l'opinion de Monsieur le Ministre ?

    Quelle est l'augmentation de population de sangliers et de cervidés dans les forêts wallonnes depuis dix ans ?
  • Réponse du 17/07/2020
    • de BORSUS Willy
    Les populations de grands gibiers, dont font partie le sanglier et le cerf, connaissent dans toute l’Europe une croissance constante depuis plusieurs décennies. Cette évolution non souhaitable n’est cependant pas propre à la Wallonie.

    Les raisons de la hausse de ces populations sont, selon les scientifiques qui suivent ces évolutions, multifactorielles. Parmi les facteurs souvent cités figure la fréquence accrue des hivers moins sévères ces dernières décennies. Ceux-ci ne joueraient plus le rôle régulateur du développement des populations. Les individus les plus faibles, qui généralement périssaient en hiver à l’occasion de conditions climatiques plus rudes, survivent et participent à la reproduction l’année suivante, venant ainsi gonfler les populations année après année.

    Un autre facteur est souvent cité comme facteur favorisant le développement des populations de grands gibiers. Il s’agit de l’augmentation de la fréquence des fructifications forestières exceptionnelles ces dernières années. Cette tendance serait, elle aussi, très certainement liée aux changements climatiques que nous observons depuis un certain temps. La nourriture naturelle abondante produite par la forêt permettrait à davantage d’animaux de franchir les hivers, évitant ainsi toute chute significative du niveau des populations.

    À côté de cela, il est vrai que le nourrissage artificiel peut également permettre aux populations de sangliers ou de cerfs de passer l’hiver en limitant les pertes. Cependant, si ce facteur peut effectivement avoir une certaine influence au niveau local, son effet global est dérisoire par rapport aux deux autres facteurs naturels cités plus haut.

    L’apport de nourrissage durant les autres saisons de l’année, s’il peut avoir un certain effet de fidélisation des animaux sur un territoire de chasse, ne peut à lui seul entrainer de réelle explosion des populations à plus large échelle.

    À ma connaissance, aucune étude scientifique récente ne serait venue contredire ces constats.

    À côté de cela, il est reconnu que le nourrissage artificiel constitue un outil de choix pour dissuader les animaux, essentiellement le sanglier, d’aller chercher sa nourriture dans les cultures les plus attractives, entrainant ainsi des dégâts agricoles.

    Légalement, seule l’espèce sanglier peut faire l’objet d’un nourrissage dit « dissuasif ». Le cerf n’est donc pas concerné par ce type de nourrissage.

    Compte tenu de son utilité avérée, je ne souhaite pas abandonner cet outil de prévention des dégâts que nous offre la réglementation cynégétique actuelle. Mais il peut sans doute encore être amélioré et j’admets que cet outil ne peut pas être utilisé efficacement dans un contexte de populations excédentaires, tel que nous le rencontrons à certains endroits localisés en Wallonie.

    L’évolution de la population de sangliers au cours des dix dernières années a suivi une courbe globalement ascendante en Wallonie, mais avec une évolution en dents de scie d’une année à l’autre. Les prélèvements, seules données réellement crédibles, sont ainsi passés d’environ 20 000 animaux lors de la saison 2010-2011 à plus de 36 000 animaux lors de la saison 2019-2020. Compte tenu de caractéristiques propres à l’espèce (faible détection des animaux lors des recensements nocturnes, les yeux des sangliers réfléchissant mal la lumière des phares), il est beaucoup plus difficile d’estimer la population de sangliers que celle de cerfs.

    En ce qui concerne ces derniers, les prélèvements ont atteint un pic lors de la saison cynégétique 2010-2011, avec le prélèvement d’environ 6 600 animaux au niveau wallon. Au cours des cinq années suivantes, les prélèvements ont diminué de manière continue pour atteindre 4 900 animaux durant la saison 2015-2016. Depuis cette saison, les prélèvements sont repartis à la hausse. Au cours de la saison 2019-2020, plus de 6 000 cerfs ont été prélevés.

    La tendance pour la saison cynégétique qui vient de démarrer est plus difficile à connaître, les recensements nocturnes de ce printemps ayant été pratiquement tous annulés en raison de la crise sanitaire du Covid-19.

    Le cerf est une espèce à dynamique de population dite ʺprévisibleʺ, chaque biche donnant naissance à un seul faon chaque année. Il est donc possible de calculer l’accroissement théorique de la population d’une année à l’autre à partir de l’estimation de la population rendue possible grâce aux recensements nocturnes. C’est notamment cette prévisibilité qui a permis d’utiliser l’outil « plan de tir » de manière efficace. L’imposition de prélèvements minimaux a ainsi permis d’augmenter les prélèvements annuels par la chasse.

    Le cas du sanglier est assez différent et nettement plus compliqué. Sa dynamique est qualifiée d’ʺimprévisibleʺ, car celle-ci est fortement dépendante des facteurs externes comme on a pu le constater. Le taux d’accroissement peut ainsi passer de 50 % de la population une année défavorable à plus de 400 % lors d’une année très favorable. L’utilisation du plan de tir comme outil de régulation est donc beaucoup plus délicate, les recensements de printemps avant les naissances, outre les problèmes de détectabilité liés à l’espèce, ne permettant pas de prédire le niveau d’accroissement à l’ouverture de la chasse.

    Néanmoins, dans le cadre des mesures de lutte contre la peste porcine africaine, il a été prévu d’accentuer les prélèvements en sangliers au cours de la saison 2019-2020 dans les conseils cynégétiques, situées en dehors de zones touchées par la peste porcine, dont les membres avaient tiré ensemble en moyenne au moins 60 sangliers aux mille hectares de bois au cours des quatre dernières saisons cynégétiques.

    Bien que décidées tardivement au cours de la saison dernière, l’AGW datant du 12 décembre 2019, les mesures ont entrainé une légère hausse globale des prélèvements en sangliers au sein des 15 conseils cynégétiques concernés.

    Fort de ce résultat, il est envisagé, pour la fin de l’année, de déposer au Gouvernement un plan de gestion global du sanglier qui a priori devrait prévoir différentes mesures réglementaires, à savoir :
    1. L’instauration d’un plan de tir au sanglier pour les zones les plus vives en sangliers.
    2. Le renforcement des mesures de destruction du sanglier sur la base de l’expérience que nous avons acquise dans le cadre de la lutte contre la peste porcine africaine, ce renforcement devant concerner plus particulièrement les zones où la présence du sanglier n’est pas souhaitée, notamment au nord de la Région et dans les zones périurbaines.
    3. Une révision de la réglementation précisant si nécessaire, les conditions du nourrissage dissuasif.

    Ce plan devrait mener à accroître davantage encore les prélèvements annuels en sangliers.