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Assurance des communes en cas de catastrophe.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 113 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 14/03/2006
    • de BERTOUILLE Chantal
    • à COURARD Philippe, Ministre des Affaires intérieures et de la Fonction publique

    Le drame de Ghislenghien nous a rappelé de bien triste manière qu'aucune commune wallonne n'était totalement à l'abri d'une catastrophe de grande envergure. Dans le cadre des différentes actions qui seront menées, tant au pénal qu'au civil, la responsabilité même de la ville d'Ath et de certains de ses services pourrait être engagée. La commune pourrait être condamnée à indemniser certaines des victimes.

    Monsieur le Ministre peut-il me dire si les communes peuvent s'assurer contre la survenance de telles catastrophes sur leur territoire ? Cette assurance est-elle obligatoire ou, au contraire, facultative ?

    Les risques sont plus grands pour les communes accueillant dans leurs zonings des usines dites Seveso. Il serait donc fort logique que ces communes se voient appliquer des primes plus élevées par les compagnies d'assurances, en raison des risques encourus.

    Selon Monsieur le Ministre ne conviendrait-il pas de prendre des contacts avec les compagnies d'assurances afin d'établir un régime de solidarité intercommunale entre les communes wallonnes ?
  • Réponse du 11/04/2006
    • de COURARD Philippe
    La question posée par l'honorable Membre relative à l'assurance des communes en cas de catastrophes a retenu ma meilleure attention.

    Lors de la catastrophe de Ghislenghien, plusieurs assureurs sont entrés en action, en exécution de divers contrats, afin d'indemniser les victimes : assurance accidents du travail, assurance de biens, assurance pertes d'exploitation, assurance de la responsabilité civile, assurance auto (omnium), assurances sur la vie, assurance accidents, assurance hospitalisation, assurance soins de santé et revenu garanti (indépendant). Une Fondation a également été créée afin d'assister financièrement les victimes de la catastrophe de Ghislenghien qui n'étaient pas couvertes par une assurance « accident de travail ».

    Il est fréquent que le sinistre trouve son origine dans le fait d'un ou de plusieurs tiers responsables.

    En effet, lors de catastrophes de grande envergure, on a généralement affaire à une cascade de responsabilités. Une fois les victimes indemnisées, les assureurs peuvent, grâce au mécanisme de la subrogation prévu à l'article 41 de la loi du 25 juin 1992, se retourner contre qui de droit. En effet, en vertu de cette disposition, les assureurs qui ont payé les indemnités sont subrogés, à concurrence du montant de celles-ci, dans les droits et actions des assurés ou des bénéficiaires contre les tiers responsables des dommages.

    En cas d'explosion, par exemple, les assureurs peuvent se retourner contre les sociétés de distribution de gaz, d'eau, d'électricité, la commune, ou encore, notamment, un tiers.

    1) Responsabilité civile de la commune et théorie de l'organe

    Lorsqu'une personne a subi un dommage et que la responsabilité de la commune est engagée, il va de soi qu'une personne physique la représentant sera désignée à sa place.
    En effet, il est fréquent que des mandataires soient poursuivis pour défaut de prévoyance ou de précaution, ou encore pour homicide involontaire (article 418-420 du Code pénal) lorsqu'ils ont, par exemple, manqué à leur devoir de sécurité imposé par l'article 135, §2 de la Nouvelle Loi Communale.
    C'est notamment le cas à Ath où, à la suite de la catastrophe de Ghislenghien, le Bourgmestre a été récemment inculpé du chef d'homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution.

    Théorie de l'organe

    La Cour de Cassation a considéré, dans un arrêt du 27 mai 1963, que « sont organes de l'Etat ceux qui, en vertu de la loi ou des décisions prises ou délégations données dans le cadre de la loi, disposent d'une parcelle, si minime soit-elle, de la puissance publique exercée par lui ou qui ont le pouvoir de l'engager vis-à-vis des tiers ».
    A cet égard, la doctrine et la jurisprudence admettent que les mandataires communaux revêtent la qualité d'organe de la commune, c'est-à-dire qu'ils sont considérés comme les représentants directs de la commune.
    A ce titre, ils engagent directement la responsabilité de la commune en vertu de l'article 1382 du Code civil.
    Selon la théorie de l'organe, la faute de l'organe constitue en même temps une faute de l'autorité publique. Deux conditions sont toutefois nécessaires pour engager la responsabilité de l'autorité publique : l'organe doit avoir agi dans les limites de ses attributions légales ou il doit être tenu comme agissant dans les limites de celles-ci par tout homme raisonnable et prudent.
    Les juridictions, en ce compris la Cour de Cassation, admettent également de plus en plus le principe de la coexistence de la responsabilité civile de la commune et de la responsabilité civile personnelle de l'agent ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, tous deux étant alors condamnés in solidum à réparer le dommage causé aux tiers.

    Assurance responsabilité

    Pour soulager les mandataires communaux dont la responsabilité est en cause, la loi du 4 mai 1999 relative à la responsabilité civile et pénale des bourgmestres, échevins et les députés permanents a inséré, dans le Code de la démocratie locale et de la décentralisation, trois mécanismes de garantie parmi lesquelles l'assurance en responsabilité.
    Selon l'article L1241-3 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, la commune doit souscrire, auprès d'une compagnie agréée, une police d'assurance destinée à couvrir la responsabilité civile, en ce compris l'assistance en justice, qui incombe personnellement aux bourgmestres et aux échevins à la suite des dommages corporels, matériels ou immatériels, qu'ils occasionnent à des tiers dans l'exercice normal de leurs fonctions.
    Conformément à cet article, les bourgmestres et échevins doivent être couverts par une assurance en responsabilité civile et une assurance défense en justice. Toutes les communes sont en règle avec cette obligation.

    La souscription de cette assurance est rendue obligatoire par le Code de la démocratie locale et de la décentralisation. C'est en ce sens que l'on parle d'assurance obligatoire.

    La commune a donc la qualité de souscripteur du contrat et, à ce titre, se voit imposer toutes les obligations faites au souscripteur par la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurances terrestres, lors de la formation du contrat et de son exécution.

    Les modalités d'exécution de cette disposition sont énumérées dans l'arrêté royal du 4 mai 1999 portant exécution de l'article 329 bis de la nouvelle loi communale et de l'article 144 de la loi provinciale.


    2) Responsabilité en matière de sécurité civile


    En vertu de l'article 135, §2 de la Nouvelle Loi Communale, la commune a pour mission de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la tranquillité publique et de la sûreté.

    En vertu de la loi du 30 juillet 1979 relative à la prévention des incendies et des explosions ainsi qu'à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile dans ces mêmes circonstances, le conseil communal peut édicter des règlements relatifs à la prévention des incendies et des explosions (article 4).

    Il appartient, en outre, au bourgmestre, sur rapport du service d'incendie territorialement compétent, de contrôler l'exécution des mesures de sécurité prescrites en vertu de la loi de 1979.

    Cette loi vise les établissements qui sont habituellement accessibles au public, même lorsque le public n'y est admis que sous certaines conditions. En vertu de l'article 8 de ce même texte, aucun établissement ne peut être rendu accessible au public, si la responsabilité objective à laquelle il peut donner lieu n'est pas couverte par une assurance.


    3) Catastrophes naturelles


    Les communes sont particulièrement impliquées dans la problématique des inondations et autres catastrophes naturelles.

    La matière des catastrophes naturelles est régie par diverses législations. Dans un premier temps, la loi du 12 juillet 1976 relative à la réparation de certains dommages causés à des biens privés par des calamités naturelles est intervenue afin d'offrir aux victimes de la catastrophe une aide financière par le biais du Fonds des Calamités publiques.


    Cette loi définit les calamités publiques de façon très stricte : celles-ci devaient revêtir un caractère exceptionnel ou imprévisible (tremblements ou mouvements de la terre, les raz de marée ou autres inondations à caractère désastreux, les ouragans ou autres déchaînements des vents).

    Cette loi régit également l'intervention du Fonds national des calamités publiques ouvert auprès de la Caisse nationale des calamités. Ce Fonds est alimenté, lors de la survenance d'une calamité, par des avances de trésorerie, par des emprunts et, en cas de besoin, par des dotations inscrites au budget de l'Etat.

    D'autres sources de financement telles que les dons, legs et bénéfices de la Loterie Nationale alimentent le Fonds.
    Dans un second temps, la loi du 21 mai 2003 est venue modifier la loi du 12 juillet 1976. Cette loi soulevait, en effet, de nombreux problèmes pour les communes : cette nouvelle législation prévoyait une nouvelle couverture d'assurance « inondation » bénéficiant des mécanismes qui s'appliquent à toutes les assurances à caractère indemnitaire, dont le mécanisme de la subrogation.

    Cela signifiait que, si la responsabilité de la commune devait être retenue d'une manière quelconque en cas de catastrophe naturelle, l'assureur qui aurait indemnisé les victimes pourrait se retourner contre l'autorité communale. Cela entraînerait un surcoût très important dans le chef de la commune qui serait finalement contrainte de reporter ce coût sur la collectivité.

    Récemment, la loi du 17 septembre 2005 est venue modifier la loi du 21 mai 2003.


    4) Assurance des communes en cas de catastrophes de grande envergure


    A l'heure actuelle, il n'existe pas de réglementation visant à obliger les communes à s'assurer en cas de catastrophes de grande envergure. Il ne s'agit donc en aucun cas d'une assurance obligatoire.
    Assurer ce genre de catastrophes risque de poser des difficultés liées, notamment, à l'importance des dommages et à l'anti-sélection des risques. Il y a lieu de considérer, d'une part, le fait que certaines catastrophes peuvent provoquer des dommages considérables, d'autre part, le phénomène bien connu en assurance d'anti-sélection : seules les communes qui se sentent réellement menacées par des catastrophes de grande envergure vont s'assurer.
    De plus, pour les communes qui ont des entreprises SEVESO sur leur territoire, cela représente des risques très localisés. Les entreprises SEVESO sont définies comme entreprises ayant une activité liée à la manipulation, la fabrication, l'emploi ou le stockage de substances dangereuses (raffineries, usines chimiques, dépôts d'explosifs, etc). Il est évident que ce genre d'entreprises présente plus de risques d'incendie ou d'explosion que d'autres. Cela peut se traduire par des primes d'assurances très élevées.
    Il est à remarquer que, lorsque des usines « à risques » s'installent à proximité d'habitations, il appartient au bourgmestre de prendre les dispositions nécessaires pour lutter, notamment, contre l'incendie. A cet égard, il convient de se référer entre autres à l'arrêté royal du 8 novembre 1967 portant, en temps de paix, organisation des services communaux et régionaux d'incendie et de coordination des secours en cas d'incendie et aux circulaires relatives à cette matière.

    Pour les catastrophes de grande envergure autres que les catastrophes naturelles, il peut être intéressant de créer une « Caisse des catastrophes » et un « Fonds des catastrophes », à l'instar de ce qui est prévu pour les calamités publiques, ces caisse et fonds viendraient en aide aux victimes de catastrophes de grande envergure. Ce dispositif permettrait de limiter le risque, donc la prime. Une fois le plafond de l'assureur atteint, la Caisse des catastrophes pourrait prendre le relais.