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Les conséquences du récent arrêt du Conseil d'État sur la stratégie wallonne de réduction de l'utilisation des pesticides

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 289 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 02/07/2020
    • de COURARD Philippe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Il y a presque 5 ans jour pour jour, le 10 juillet 2015, avec notre ancienne collègue Christie Morreale, nous déposions la proposition de résolution visant à définir une stratégie d'interdiction des pesticides aux néonicotinoïdes. Ce texte allait mettre deux ans à être adopté et l'arrêté du Gouvernement wallon que le Gouvernement a pris pour le mettre en œuvre vient d'être annulé par le Conseil d'État. Cette décision ruine 5 ans de travail parlementaire.

    Avec ses services, Madame la Ministre a-t-elle pu analyser cet arrêt ?

    Partage-t-elle l'interprétation selon laquelle, dans ce dossier, la Wallonie a outrepassé ses compétences ?

    Quelles suites entend-elle donner à cela ?

    Est-ce utile, voire nécessaire, de reprendre un nouvel arrêté du Gouvernement wallon en la matière ?

    Dans son édition du 18 juin 2020, le journal Pleinchamp indique que la décision ne devrait pas avoir d'impact majeur pour les agriculteurs ! D'une part, on est loin des prises de position alarmistes, tenues en 2015 quand nous avions déposé notre premier texte, selon lesquelles nous allions « tuer » les betteraviers. D'autre part, rien ne doit plus nous empêcher pour qu'au niveau belge, on interdise une bonne fois pour toutes ces pesticides tueurs d'abeilles.

    Par ailleurs, en 2015 toujours, l'Union européenne avait publié une liste de 77 produits phytosanitaires candidats à la substitution. Une évaluation des alternatives à ces molécules devait être menée pour, si possible, les remplacer par des méthodes plus durables de protection des cultures.

    S'agissant des substances ayant un impact majeur pour l'environnement et la santé, quelle suite a été donnée à ce travail ?
  • Réponse du 10/08/2020
    • de TELLIER Céline
    Avant d’évoquer l’arrêt du Conseil d’État, il est nécessaire d’aborder l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 février 2019. Cet arrêt a confirmé la compétence de la Région wallonne pour réglementer l’utilisation des pesticides, dans le respect du principe de loyauté fédérale.

    Le principe de loyauté fédérale veut que la Région dans l’exercice de ses compétences ne porte pas atteinte à la possibilité pour l’État fédéral d’exercer ses propres compétences.

    Le Conseil d’État dans son arrêt considère que l’interdiction d’utiliser des néonicotinoïdes, prévue par l’arrêté du 22 mars 2018 et donc antérieur à cette décision de la Cour Constitutionnelle, empêche l’autorité fédérale d’encore exercer sa compétence puisque le résultat auquel aboutit l’arrêté attaqué, à savoir une interdiction quasi générale d’utilisation, est en substance identique à une interdiction de mise sur le marché, compétence fédérale.

    Cet arrêt du Conseil d’État ne remet pas en cause la capacité de la Région d’interdire l’utilisation de certains produits sur son territoire. Cet arrêt rappelle les balises à respecter, tout comme l’a fait la Cour Constitutionnelle en 2019.

    Depuis mars 2018, l’évolution de la réglementation, tant au niveau européen que belge, a modifié largement la donne en ce qui concerne l’utilisation des insecticides de type néonicotinoïdes. La réglementation européenne interdit de plus en plus de substances actives dont la plupart de celles reprises dans l’arrêté wallon qui vient d’être annulé.

    C’est une bonne chose que cela évolue au niveau européen et fédéral, car c’est à ce niveau que les interdictions de mise sur le marché, des substances pour l’Europe et des formulations commerciales pour le fédéral, peuvent se prendre.

    Je salue la confirmation récente du Ministre Ducarme de poursuivre dans cette voie, avec son engagement à ne plus octroyer de dérogations pour les néonicotinoïdes.

    Quant à la nécessité ou l’intérêt de reprendre un nouvel arrêté, celle-ci serait limitée vu les évolutions de la législation au niveau européen. Pour rappel l’arrêté dont question visait l’interdiction de cinq substances actives : imidaclopride ; thiaclopride ; thiaméthoxame ; clothianidine ; acétamipride.

    L'imidaclopride est encore approuvée jusqu'au 31 juillet 2022. La clothianidine était approuvée jusqu'au 31 janvier 2019. Le thiaméthoxame était approuvé jusqu'au 30 avril 2019.

    Pour l'acétamipride, la communauté scientifique n'a pas émis de signaux aussi clairs, et les restrictions pour protéger les abeilles n’ont donc pas été retenues lors du renouvellement de son approbation. L'approbation de la substance acétamipride a été étendue au 28 février 2033 par le règlement 2018/113.

    En ce qui concerne le thiaclopride, une demande de renouvellement de l’approbation a été introduite. Sur base du rapport provisoire d’évaluation des risques et de la conclusion de l’EFSA, la Commission européenne a adopté un règlement par lequel l’approbation du thiaclopride n’a pas été renouvelée. Ce règlement est entré en vigueur le 03/02/2020.

    En ce qui concerne la liste des 77 substances actives candidates à la substitution au niveau européen, il s’agit d’un processus continu de réévaluation de ces substances.

    À la suite de la publication de la liste des 77 substances dont on envisage la substitution, il est obligatoire pour une firme qui introduit une demande d’autorisation, de renouvellement ou d’extension pour un produit contenant une telle substance active, d’inclure une « évaluation comparative ». Dans ce document, elle doit prouver pour chaque usage demandé que la substitution n’est pas possible.

    Depuis la publication en 2015 de cette liste de 77 substances, certaines d’entre elles ne sont plus approuvées, d’autres ont été approuvées comme substance « normale », et d’autres encore sont devenues des substances candidates pour la substitution.