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La chasse en régie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 370 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 10/07/2020
    • de KELLETER Anne
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La densité de gibier étant problématique dans beaucoup de régions en Wallonie, de plus en plus de communes font appel à la chasse en régie en réponse à ce problème. C'est en tout cas ce que je lis dans la presse et qui me revient de mes contacts avec le monde des chasseurs. Mais pour mieux comprendre la situation, il convient d'objectiver.

    Combien de communes ont instauré la chasse en régie chez elles en Wallonie ? Quelles conclusions Monsieur le Ministre tire-t-il de l'évolution de ce chiffre dans les années passées ?

    L'organisation et la gestion de la chasse en régie sont déléguées aux forestiers. Ceci représente une charge de travail additionnelle pour le DNF, qui est déjà très pris par ses autres fonctions. Peut-il chiffrer la charge de travail additionnelle que représente la gestion de la chasse en régie dans une commune par rapport à la gestion de la chasse « classique » ? Existe-t-il des mécanismes pour compenser la charge de travail additionnelle que représente la gestion de la chasse en régie ? Quel impact a la chasse en régie sur les budgets communaux ?

    Sachant qu'un bail de chasse engage le bailleur sur plusieurs années consécutives et que les quotas représentent une contrainte assez forte pour les bailleurs, il convient de questionner les obligations des chasseurs dans le cadre d'une chasse en régie, particulièrement en ce qui concerne le respect de la nature par les chasseurs qui participent à cette chasse en régie.

    Qu'en est-il de la relation entre loueurs de baux de chasse « classiques » et ceux qui le font dans le cadre de la chasse en régie ? Y a-t-il ici une situation de concurrence déloyale entre les deux ?

    Et finalement : quel impact la chasse en régie a-t-elle sur l'évolution de la densité du gibier ?
  • Réponse du 17/07/2020
    • de BORSUS Willy
    Si l’on excepte 8 communes luxembourgeoises et grand-ducales qui ont accepté il y a 5 ans une chasse en régie sur une partie de la forêt d’Anlier qu’elles possèdent en indivision avec la Région wallonne, une seule commune s’est jusqu’ici engagée dans la chasse en régie. C’est celle de Bütgenbach, qui a pris ce tournant il y a plus de 25 ans déjà (1994). Il faut donc relativiser très fortement la place prise par la chasse en régie, même s’il est vrai qu’il en est question plus souvent aujourd’hui que par le passé. Ainsi, tout récemment, deux autres communes de l’est de la Belgique, celle d’Amblève et celle de Bullange, ont pris la décision chacune d’en organiser une. À l’inverse, un projet de chasse en régie au niveau de la commune de Viroinval a finalement été abandonné dernièrement.

    Il est donc difficile d’entrevoir une quelconque évolution avec un nombre aussi faible de chasses communales en régie et a fortiori d’en tirer des conclusions, si ce n’est que cette forme d’organisation de l’exercice du droit de chasse commence à être assez largement connue, après être restée longtemps cantonnée à certains territoires, principalement domaniaux, de l’Est de notre Région.
    L’organisation et la gestion de la chasse en régie représentent indiscutablement une charge de travail pour les forestiers. Ce sont pourtant souvent eux qui ont sollicité le propriétaire – que ce soit la Région ou une commune – pour mettre en place une chasse en régie, convaincue que cette forme d’exercice de la chasse leur offrirait une bien meilleure maîtrise de la régulation du grand gibier et serait donc bénéfique pour la forêt.

    Dans la Direction du DNF de Malmedy, où se déroule la majorité des chasses en régie1, les forestiers estiment que, dans leur situation spécifique, le temps qu’ils consacrent à l’organisation de la chasse en régie est compensé par le fait qu’ils ne doivent plus convaincre et contrôler un locataire de chasse, ou intervenir dans les relations, parfois conflictuelles, entre celui-ci et les autres utilisateurs de la forêt. Au niveau de la gestion forestière, la meilleure maîtrise des populations de grand gibier leur a également permis d’économiser du temps au niveau de la mise en place, de la surveillance et de l’entretien des protections contre les dégâts de gibier, ou du remplacement des plantations qui ont été détruites par le gibier. Cela étant, il est vrai que l’organisation d’une chasse en régie implique de pouvoir disposer de forestiers compétents, volontaires et motivés pour ce type très particulier de mission. Il n’est donc pas envisagé – et il n’en a jamais été question – de généraliser cette organisation de la chasse en forêt publique.

    En ce qui concerne l’aspect financier, la commune de Butgenbach s’estime gagnante. Avant la chasse en régie, elle perdait 70 euros/ha/an en raison des dégâts d’écorcement et touchait un loyer de chasse de 30 à 35 euros/ha/an. Aujourd’hui, l’équilibre forêt-gibier est retrouvé, le coût des protections est au plus bas et la chasse en régie lui rapporte un peu plus de 22 euros/ha/an (moyenne 2012-2015). Les conclusions tirées des 3 premières années de l’expérience menée sur Anlier montrent quant à elles que le revenu tiré de cette chasse en régie est comparable (27,31 euros/ha/an) à celui qui aurait été tiré de la poursuite d’une chasse classique (27,70 euros/ha/an), du moins si on envisage le calcul sur la durée habituelle d’un bail de chasse. Une telle durée permet en effet d’amortir les investissements que l’on doit nécessairement consentir pour équiper une chasse en régie en postes d’affût.

    Si une commune fait le choix d’une chasse en régie, ce n’est de toute façon certainement pas pour tenter de maximiser ses revenus tirés de la chasse. D’autres motivations interviennent, certaines financières comme celles liées à la volonté de réduire les coûts de la protection des plantations et les pertes engendrées par les dégâts aux peuplements forestiers, d’autres à caractère social comme le souhait de pouvoir mieux gérer l’ouverture de la forêt au public ou de permettre plus facilement à des chasseurs locaux de chasser près de chez eux.

    Il n’y a pas de concurrence entre un propriétaire communal qui loue son droit de chasse à un tiers pour un bail de 9 ou 12 ans et un propriétaire communal qui organise lui-même l’exercice de la chasse sur sa propriété en vendant des licences de quelques jours dans le cadre d’une chasse en régie. D’une part, comme je l’ai dit en guise de préambule, l’immense majorité des territoires de chasse sont chassés de façon classique, la chasse en régie restant une exception. D’autre part, le « produit » offert aux chasseurs n’est pas le même.

    Enfin, en ce qui concerne l’impact d’une chasse en régie sur l’évolution de la densité du gibier, comme je l’ai indiqué, les expériences menées dans l’Est de la Région montrent qu’il est clairement positif. La régulation du chevreuil et des cerfs non boisés a permis, après quelques années, de régénérer naturellement les essences forestières de base en n’étant plus obligé, comme jusqu’alors, d’installer obligatoirement de coûteuses clôtures de protection. Au niveau de la gestion du sanglier, le bilan reste à faire. En effet, dans l’est où l’on dispose d’un recul suffisant, les populations de sangliers étaient au départ présentes à des densités ne posant guère de problème. Il n’y avait donc pas de soucis au niveau de la régulation et il n’y en a toujours pas.