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Les difficultés rencontrées sur le marché locatif privé par les détenteurs d'animaux de compagnie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 249 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 14/07/2020
    • de LEPINE Jean-Pierre
    • à DERMAGNE Pierre-Yves, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Il m'a été donné de constater que nombre d'annonces de location de biens privés font mention de l'interdiction suivante « animaux non admis », et ce, bien souvent, sans que ce soit circonstancié ou justifié par les caractéristiques du bien.

    La bête noire des propriétaires, ce sont manifestement les chiens. Or, pour beaucoup, particulièrement les personnes seules, un animal représente la seule compagnie sur laquelle elles peuvent compter. Il est donc logique que les candidats à la location mettent un point d'honneur à emménager dans leur nouveau logement avec leur animal, qu'ils sont nombreux à considérer comme un membre à part entière de leur famille.

    S'il est tout à fait légitime en vertu des dispositions légales existantes que le propriétaire bailleur attende du locataire qu'il « use de la chose en bon père de famille », plusieurs questions subsistent quant à cette « interdiction a priori ».

    L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) proclame le droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il n'est pas erroné de considérer que la détention d'animaux fasse partie de ce droit.

    Cette interdiction de principe constitue, en outre, dans un contexte où, pour les candidats locataires, l'urgence de trouver un logement prédomine, une cause d'abandon soit par don « à la hâte », dans des circonstances qui ne leur permettent pas de s'assurer des conditions d'accueil de l'animal, renforçant également, de la sorte, le phénomène des « adoptions impulsives » ; soit par un recours, certes bien plus responsable et organisé, mais toujours problématique, à des refuges, que nous savons déjà bondés. La question se pose alors également sous l'angle du bien-être animal.

    Monsieur le Ministre peut-il établir un état des lieux de ce qu'il en est légalement ?
    Que nous dit la jurisprudence ?

    La Wallonie étant compétente en matière de bail d'habitation, y voit-il l'opportunité d'y insérer une disposition visant à mettre fin à ce que l'on pourrait, dans bien des cas, qualifier d'« interdiction de principe » ?

    Une concertation avec la ministre du Bien-être animal en vue, notamment, de sensibiliser non seulement les différents acteurs du marché locatif privé, mais également les associations représentants les bailleurs et celles actives en matière bien-être animal, afin que, en la matière, un équilibre des droits entre les propriétaires bailleurs et candidats locataires soit favorisé, ne devrait-elle pas être opérée ?
  • Réponse du 19/08/2020
    • de DERMAGNE Pierre-Yves
    À travers sa question, l’honorable membre met en évidence le fait que certaines annonces de location de biens privés portent la mention « animaux non admis », ce qui met en difficulté nombre de propriétaires d’animaux - en particularité de chiens - et conduit parfois à leur abandon.

    D’un point de vue légal, un propriétaire peut parfaitement, par le biais d’un contrat de bail, interdire la présence d’animaux dans le bien loué. L’insertion d’une clause de ce type n’est donc pas illégale en soi, mais elle doit reposer sur des éléments objectifs et ne peut se suffire à elle-même. Ainsi, interdire la présence d’un gros chien dans une maison dont le revêtement de sol est du parquet peut être considéré comme légitime. C’est évidemment moins le cas lorsqu’aucune caractéristique du bien loué ne permet de justifier l’interdiction totale d’un animal de compagnie, si petit soit-il.

    Pour ce qui est de la jurisprudence, certains juges ont autorisé le locataire à posséder un animal de compagnie alors qu’une clause du contrat de location l’interdisait, considérant que cette dernière portait atteinte, dans l’état actuel des conceptions et habitudes sociales, au droit à l’intégrité de la vie privée, de la vie familiale et du domicile ; une disposition, en effet, directement applicable de l’article 8.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

    Un juste équilibre est donc à trouver entre l’obligation pour le locataire d’utiliser le bien en bon père de famille et le respect du droit de pouvoir jouir du bien loué tout en respectant son droit à la vie privée et familiale.

    Actuellement, ce juste équilibre est apprécié par le juge de paix qui examine, outre les termes du contrat qui lient les parties, les circonstances particulières à chaque situation rencontrée.

    Par conséquent, si l’interdiction abrupte d’un animal de compagnie dans une annonce locative est à bannir, il ne faut pas négliger qu’elle peut, dans certains cas, reposer sur des intérêts tout aussi légitimes que ceux qui existent dans le chef du locataire, par exemple le respect du voisinage.

    Dans la mesure où l’analyse de la situation est à faire au cas par cas, le rôle du juge de paix revêt toute son importance et semble rendre peu opportune une intervention législative.