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La gestion de la prise en charge des migrants en transit en Wallonie

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 234 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 14/07/2020
    • de BASTIN Christophe
    • à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
    En commission du 21 janvier 2020, Madame la Ministre déclarait : « La question des migrants en transit reste éminemment complexe et nous interpelle inévitablement en termes de dignité humaine, de respect des droits, de sécurité et de responsabilité. Le phénomène est connu maintenant depuis plusieurs années, en tout cas depuis un an ou deux ou trois. Mes prédécesseurs avaient, eux aussi, déjà été sollicités.
    C'est vrai que sur le territoire wallon, la Région dispose de peu de leviers. La responsabilité majeure, et c'est important de le dire quand même, relève de l'autorité fédérale. Mon collègue en charge des Pouvoirs locaux et moi-même allons d'ailleurs déposer une note conjointe au Gouvernement pour que le Comité de concertation se saisisse de la question parce que nous sommes beaucoup interpellés et qu'au fond, avec ce qui nous concerne en Pouvoirs locaux et en Action sociale, nous avons quelque part des conséquences du problème qui se posent pour lequel le Fédéral n'a pas encore apporté de solutions. ».

    La note conjointe au Gouvernement susmentionnée a-t-elle été déposée auprès du Gouvernement ?

    Quelle position politique contient cette note conjointe ?

    Qu'a décidé le Gouvernement vis-à-vis de celle-ci ?

    Le Comité de concertation a-t-il été saisi de la question par le Gouvernement ?
    Si oui, à quelles dates ?

    Quelle position le Gouvernement a-t-il défendue lors du débat ?

    Quelle décision le Comité de concertation a-t-il prise ?
  • Réponse du 01/09/2020
    • de MORREALE Christie
    Je saisis l’opportunité de cette question écrite pour préciser les éléments avancés lors de la Commission du 21 janvier dernier.

    La migration en transit est généralement utilisée pour désigner le séjour temporaire, dans un ou plusieurs pays, de migrants dont le but est d’atteindre une autre destination qui sera leur destination finale. Cette dénomination met en exergue le caractère temporaire du séjour des migrants en transit qui, a priori, ne souhaitent pas s’établir en Belgique ; ce qui les conduit, faute de structure d’accueil adaptée, à s’établir dans des squats, à rester dans la rue, etc.

    Cependant, ces personnes sont parfois amenées à rester plus longtemps en Belgique. Il convient, dans ce cadre, de rappeler que cette migration de transit concerne des hommes, des femmes et des enfants avec des parcours migratoires très divers. Ceux-ci sont souvent très vulnérables psychiquement et physiquement, en raison de leur situation d’exil, de leur parcours migratoire et de leurs conditions de vie.

    Lors de ce séjour temporaire, ces hommes, femmes et enfants expriment les mêmes besoins : bénéficier d’une protection internationale pour mettre fin à un parcours migratoire traumatique, manger, dormir, se laver, se vêtir, se soigner, recharger leur GSM pour rester en contact avec leur famille ou entreprendre d’éventuelles démarches administratives.

    Malgré l’absence de cadre juridique belge spécifique aux migrants en transit, ces personnes ont des droits fondamentaux qui sont garantis par des conventions internationales (Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (19 juin 2017), « Protection des droits de l’homme des migrants : le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » UN Doc. À/HRC/35/L.28, 2.
    Article 25 § 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme des Nations Unies et article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ; Les articles 1 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE ; Article 3 CEDH : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
    Comité Européen des Droits Sociaux, décision du 1 juillet 2014, Conférence des Églises européennes (CEC) c. Pays-Bas, Réclamation n° 90/2013, §§ 114, 137 et 144), par la Constitution belge (article 23) ou encore le Code pénal belge (article 422).

    La migration est une compétence fédérale en application de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Cette loi définit le statut d’étranger comme suit : « quiconque ne fournit pas la preuve qu'il possède la nationalité belge ».

    Ainsi, l’Office des étrangers assure la gestion des flux migratoires en collaboration avec différents partenaires. Il applique la loi du 15 décembre 1980 et l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Le Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) offre une protection aux étrangers qui craignent des persécutions, un conflit armé ou des violences dans leur pays d'origine. Le CGRA examine chaque demande d'asile de manière individuelle et impartiale. Il délivre des certificats et des documents d'état civil aux réfugiés et aux apatrides reconnus. Le CGRA est une administration fédérale indépendante. Il s’agit de l'instance d'asile centrale en Belgique.

    Le Conseil du Contentieux des Étrangers peut être saisi de recours contre les décisions du Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides, contre les décisions de l’Office des Étrangers et contre toutes les autres décisions individuelles prises en application de la loi du 15 décembre 1980.

    En outre, Fedasil (agence fédérale) se charge de l'accueil des demandeurs de protection internationale.

    Les autorités fédérales sont dès lors responsables de l’information aux migrants sur la protection internationale. L’accès à cette information a d’ailleurs permis à certains migrants en transit de finalement demander la protection internationale et, ainsi, de renoncer à la route de l’exil.

    La Wallonie, pour sa part, mène une politique d’accueil et d’intégration des personnes étrangères et d’origine étrangère qui repose sur de nombreux acteurs.
    Huit Centres Régionaux d’Intégration (CRI) sont notamment chargés de développer, de mettre en œuvre et d’organiser le parcours d’intégration des primo-arrivants en Wallonie.

    Les Initiatives locales d’Intégration des personnes étrangères (ILI) sont des opérateurs publics ou des ASBL qui travaillent avec des personnes étrangères et qui développent une méthodologie et une pédagogie spécifiques en faveur de ce public (apprentissage de la langue, formation à la citoyenneté, accompagnement social et juridique).

    Le Service de Traduction et d’Interprétariat en milieu social wallon, le SETIS wallon, est agréé pour sa mission générale d’interprétariat, ce qui permet aux personnes étrangères de bénéficier d’un interprète à la demande d’un service utilisateur dans un contexte social dont celui du parcours d’intégration.
    En tant que pouvoirs locaux les plus proches du terrain, les communes, Provinces et CPAS, peuvent concrètement garantir l’octroi des aides matérielles, alimentaires et médicales.

    Néanmoins, les actions actuelles restent insuffisantes pour garantir une protection adéquate aux migrants en transit. Les personnes n’ayant pas toujours entrepris de demander l’asile en Belgique ne dépendent d’aucun dispositif institutionnel. Elles font par ailleurs preuve de méfiance vis-à-vis des autorités, quelles qu’elles soient.

    Dans ce contexte, de nombreux citoyens s’impliquent à titre individuel ou au sein de collectifs pour leur apporter un soutien.

    Si cette implication est à saluer sur le plan humain, elle a ses limites et impose donc aux pouvoirs publics que nous représentons à chaque niveau de pouvoir et aux organismes actifs en matière d’action sociale et d’intégration de s’impliquer dans le cadre de leurs missions respectives, afin d’assurer un traitement digne à chaque citoyen qu’il soit d’ici ou d’ailleurs et de garantir leur protection.

    Alors que nous avions rencontré les collectifs en janvier dernier et que nous nous étions engagés à mettre cette question à l’agenda du comité de concertation, nous avons dû faire face aux urgences liées à la crise de la Covid-19.
    La crise sanitaire a par ailleurs exacerbé les difficultés rencontrées par ces personnes et celles qui leur apportent un appui. Ainsi, leur forte mobilité et leur propension à fuir tout ce qui se rapproche des structures officielles de l’état à cause de l’irrégularité de leur séjour compliquent la mise en œuvre d’une prise en charge, d’une traçabilité ou encore d’un confinement.

    Nous sommes restés très attentifs à cette situation et avons mis en place, à partir de la Taskforce régionale « urgence sociale », un groupe de travail traitant notamment de la situation des migrants.

    Par ailleurs, une Taskforce fédérale invitant des représentants des entités fédérées a également été mise en place, ce qui a été l’occasion de relayer à l’autorité fédérale les difficultés relatives à la situation des migrants en transit.

    Une circulaire portant sur la question et destinée aux pouvoirs locaux et aux acteurs sociaux est en cours de finalisation. Elle a été élaborée en concertation avec la Fédération des CPAS et le secteur de l’Action sociale notamment.

    L’objectif est de responsabiliser les un et les autres sur leurs responsabilités à l’égard de ce public et aussi de pouvoir informer de façon optimale les migrants en transit sur leurs droits et sur les possibilités d’accompagnement que nous pouvons leur apporter, via différents acteurs soutenus par la Wallonie, en termes d’accompagnement sociojuridique ou ethno psychologique ou d’interprétariat via le Setis wallon.

    Nous devons également, en partenariat avec les pouvoirs locaux, faciliter l’accès aux soins médicaux, à l’aide alimentaire et aux structures d’accueil, mais également à des lieux qui permettraient aux migrants de se reposer, de se laver, de recharger leur GSM ... et d’être mis en contact avec des travailleurs sociaux.

    Enfin, nous restons bien entendu demandeurs d’une discussion avec l’autorité fédérale et nous avons d’ailleurs, avec mon Collègue en charge des Pouvoirs locaux, Pierre-Yves Dermagne, réitéré cette demande. À l’issue des débats, le Gouvernement a décidé de privilégier une rencontre bilatérale plutôt qu’un comité de concertation. Cette bilatérale devrait réunir les Ministres Maggie De Block et Pieter De Crem, et, pour l’autorité régionale, les Ministres Willy Borsus, Pierre-Yves Dermagne et moi-même.