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Le bilan des fouilles archéologiques sur le site de la future Maison des Parlementaires à Namur

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 208 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 14/07/2020
    • de DISPA Benoît
    • à DE BUE Valérie, Ministre de la Fonction publique, de l'Informatique, de la Simplification administrative, en charge des allocations familiales, du Tourisme, du Patrimoine et de la Sécurité routière
    En avril dernier, les agents de l'Agence wallonne du patrimoine (AWaP) se mobilisaient afin de demander un délai en vue de mener à bien le chantier de fouilles sur le site de la future extension du Parlement de Wallonie. Cet appel était relayé par les autorités de la Ville de Namur et une pétition citoyenne qui a récolté plus de 4 000 signatures.

    Grâce à cette mobilisation, un accord a pu être trouvé entre le Parlement de Wallonie, en tant que maître d'œuvre, et l'AWaP afin de prolonger le chantier jusqu'à la fin du mois de mai dans le respect des conditions sanitaires.

    Le premier bilan des fouilles dressé par les archéologues démontre toute la pertinence de la prolongation des fouilles, plusieurs découvertes majeures ayant pu être réalisées, notamment une statuette de Cupidon.

    Madame la Ministre peut-elle dresser le bilan de ces fouilles ?

    Peut-elle indiquer quelles seront les prochaines phases en particulier la présentation des résultats au grand public ?
  • Réponse du 10/08/2020
    • de DE BUE Valérie
    L’honorable membre m’interroge sur le bilan des fouilles menées par l’AWaP sur le site de la future extension du Parlement de Wallonie.

    Cette opération archéologique, prévue dans le cadre du permis d’urbanisme, a fait l’objet en octobre 2019 d’un protocole d’accord entre le Parlement et l’AWaP, lequel prévoyait un délai de réalisation de 4 mois. L’intervention a débuté le 16 décembre 2019, dans la foulée de la démolition des immeubles existants et des premiers terrassements et s’est interrompue mi-mars en raison de la crise sanitaire. Après négociations entre les parties, elle a pu reprendre et être menée à son terme fin mai.

    Bilan global de l’opération archéologique

    Les données collectées permettent aujourd’hui de restituer l’évolution topographique de ce quartier, dont la spécificité économique et sociale est maintenant bien documentée.

    Dans l’état actuel des connaissances, l’évolution du site peut être résumée comme suit, par ordre chronologique :
    - le substrat géologique du site a pu être approché dans quelques sondages profonds : étroite bande de terre comprise entre Meuse et colline du Champeau, elle doit notamment sa formation à des éboulis de pente ;
    - la profondeur restreinte du fond de coffre n’a pas permis d’atteindre les niveaux susceptibles d’abriter d’éventuelles occupations préhistoriques, dont quelques indices épars ont néanmoins été collectés (période néolithique) ;
    - le Haut-Empire romain (Ier-IIIe siècle) se signale essentiellement par quelques niveaux, déversés sur les berges de Meuse. Faute de bâtiments, il semble que l’urbanisation n’ait pas gagné ce secteur, situé en périphérie immédiate de l’agglomération antique. En revanche, quelques objets à connotation religieuse (dont une jolie statuette en bronze de Cupidon) trahissent la proximité du sanctuaire érigé au confluent et révélé en 2018-2019 ;
    - le Bas-Empire (IVe-Ve siècle) déploie dans ce secteur des ateliers de production liés à plusieurs artisanats florissants, caractéristiques de l’Antiquité tardive. Aux fours de bronziers et aux rebuts de fabrication d’objets en bois de cerf, déjà attestés par ailleurs, s’ajoute désormais la production de fer. Particulièrement dynamiques pour la période, ces activités sont à mettre en relation avec le contingent militaire installé sur le site du Champeau ;
    - un four de potier, daté de la transition des VIe et VIIe siècle et à l’état de conservation remarquable, prolonge la fonction artisanale du site jusqu’à la période mérovingienne. Il confirme définitivement le statut de Namur au rang de centre de production céramique, aux côtés de Huy et de Maastricht ;
    - comme souvent, la période carolingienne (VIIIe-IXe siècle) reste difficile à cerner, même si les stratigraphies des berges de Meuse enregistrent notamment l’existence d’habitats. Dès le Xe siècle, le quartier est protégé d’une première enceinte en pierre ;
    - durant le Second Moyen Âge (XIIe-XIVe siècle), l’espace compris entre Meuse et rue Notre-Dame est loti. Maisons, latrines et jardins relèvent de cinq parcelles d’un habitat urbain rigoureusement organisé, ventilé de venelles de circulation et abrité derrière un nouveau rempart dès le XIIIe siècle. L’état de conservation de ces constructions médiévales est exceptionnel, alors que leur qualité architecturale dénote un statut social privilégié, témoin de l’installation de l’aristocratie locale au pied du château des comtes de Namur ;
    - en bord de Meuse, un grand bâtiment public s’adosse au rempart durant la 2e ½ du XIIIe siècle. Ce type de construction est totalement inédit. Sa localisation comme ses dispositions architecturales tendent à l’identifier à un vaste entrepôt, lié à la gestion des flux de marchandises et des taxes perçues par l’autorité comtale (tonlieux) sur le commerce mosan ;
    - à en croire les fonds d’archives, les parcelles étudiées abritent aux XVe, XVIe et XVIIe siècles les membres de l’élite namuroise, ecclésiastiques (chanoines de Notre-Dame, refuge de l’abbaye cistercienne de Grandpré), juristes et familles de vieille noblesse (familles de Dave, d’Ève), tous issus de l’environnement comtal ou impliqués dans la gestion du comté. L’archéologie en a documenté le cadre de vie, habitats et culture matérielle ;
    - enfin, comme ailleurs au Grognon, les périodes les plus récentes (XVIIIe et XIXe siècle) nuancent le profil sociologique du quartier portuaire, progressivement défavorisé au profit du haut de la ville.

    Travaux dits post-fouilles

    De faible visibilité et moins connus du grand public, ces travaux sont indispensables à l’archivage et à l’exploitation des données. Leur ampleur est généralement conséquente en milieu urbain, du fait de la complexité des structures et des quantités de matériel collectées. Ils ont démarré début juin.

    La première phase post-fouilles, réalisée avec le concours des opérateurs, est à présent clôturée : rangement du matériel et des installations de chantier, tamisage différé des sédiments prélevés en « big-bags » de manière à gagner du temps sur terrain, nettoyage et conditionnement de la céramique et des ossements, gestion et inventaire sommaire des collections.

    La seconde phase post-fouilles est aujourd’hui en plein développement. Consacrée à la gestion et au traitement des données, elle est à charge du personnel d’encadrement (archéologues et archéotechniciens). Plusieurs étapes s’y succèdent : archivage des documents de terrain ; encodage, gestion informatique et traitement des données, gestion et traitement des photos et photogrammétries ; datation des structures et contextes archéologiques ; réalisation d’un plan général et de plans interprétés, par périodes ; recherches comparatives sommaires, en vue de l’interprétation générale du site et de son évolution.

    Ainsi organisées, les nombreuses données issues du site serviront de base à la production d’un rapport final d’opération attendu pour fin décembre 2020. Ce type de rapport est un document technique, indispensable à l’archivage et à la conservation des données, qui constitue la base de toute forme d’exploitation ultérieure, en ce compris la communication, tant scientifique que grand public.

    Communication

    Je tiens tout d’abord à rappeler que les découvertes ont été diffusées au fur et à mesure par l’AWaP via plusieurs canaux (presse écrite et audiovisuelle, réseaux sociaux). En outre, une couverture vidéo de l’opération archéologique a été assurée, ce qui est utile tant à l’archivage documentaire qu’à tout projet d’exploitation à venir.

    Maintenant que le chantier proprement dit est achevé, il convient de laisser du temps aux études, dont l’achèvement est programmé pour fin 2020. À l’issue de celles-ci, et en fonction de leurs résultats, des opérations de communication pourront être envisagées. Je peux d’ores et déjà informer que des interventions seront faites en 2021 dans le cadre d’événements récurrents organisés par l’AWaP, qui s’adressent tant à la communauté scientifique (Signa Romana pour la période romaine, Archaeologia Mediaevalis pour les périodes médiévales et modernes) qu’à un public averti (Journée d’Archéologie en Wallonie). Des opérations visant davantage le grand public seront menées par l’AWaP dans le cadre de sa mission de sensibilisation au patrimoine, comme ce fut le cas pendant le chantier de fouilles.