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Les cultures céréalières et les circuits-courts

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 390 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 14/07/2020
    • de JANSSEN Nicolas
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    La Wallonie possède de nombreux producteurs de céréales, dont du froment, principale céréale panifiable dans notre Région. Rappelons qu'il ne peut être considéré comme panifiable uniquement si certains critères stricts sont respectés lors de la récolte : taux d'humidité, poids à l'hectolitre, teneur en protéines, etc. À défaut, il deviendra fourrager.

    Nous le savons, les initiatives pour promouvoir les circuits courts se multiplient. Le froment ne fait pas exception. Effectivement, de nombreux producteurs tentent de mettre en place des filières locales afin d'arriver à la production de pains issus du circuit le plus court possible. Cependant, dans ce cadre-ci, il est particulièrement compliqué de trouver des meuniers pouvant transformer les grains en farine.

    C'est ainsi que notre production céréalière se destine principalement à être fourragère. Elle permet également de produire de l'amidon et du bioéthanol.

    Quel est le pourcentage de notre production céréalière utilisée de manière fourragère et panifiable ?
    Et pour la production de bioéthanol ?

    Serait-il possible de décliner ce pourcentage aux différentes cultures céréalières (orge, épeautre, froment…) qui peuvent être tout aussi bien panifiables que fourragères ?

    Comment est utilisée la production céréalière panifiable en Wallonie ?

    Compose-t-elle la majorité de nos pains ?

    Quelle est la place de la farine importée en Wallonie par rapport à la production de nos cultivateurs et la transformation de celle-ci en farine ?
  • Réponse du 10/08/2020
    • de BORSUS Willy
    Il existe peu de données disponibles pour les céréales à l’échelle de la Belgique (plus de bilan d’approvisionnement de Statbel depuis 2013). Vu le petit nombre d’acteurs, le secteur céréalier est très concurrentiel, les données statistiques sont très sensibles et les fédérations ne publient pas nécessairement de statistiques officielles.

    De plus, les données disponibles ne distinguent pas les différents usages des céréales (l’alimentation humaine (food), l’alimentation animale (feed), l’énergie (Fuel) et les autres utilisations (Fiber)). Une meunerie peut à la fois travailler des farines tant à destination du food que du feed. D’autre part, il faut noter que la Belgique est un petit pays entouré de pays « gros producteurs » de céréales tels que la France ou l’Allemagne qui utilisent les infrastructures belges, notamment le port d’Anvers, pour exporter leurs produits dans le monde entier. Les chiffres avancés dans ce document doivent donc être considérés comme des estimations.

    Selon les premières estimations de Statbel, en 2019, la Belgique a produit 3,05 millions de tonnes toutes céréales confondues. Il s’agissait principalement de froment (blé 63 % soit 1,9 MT). La Belgique est un pays importateur net de céréales. En 2019, nous avons importé 8,6 Mt de céréales. Le taux d’auto-approvisionnement (TAA) en céréales est de l’ordre de 30 %. Mais nous réexportons une grande partie de ces céréales transformées sous forme de farine (TAA +/- 150 %), d’aliments pour bétail, de malt (TAA +/- 300 %), de bière (TAA +/- 280 %), et cetera.

    Le collège des producteurs a élaboré un plan stratégique pour le développement de l’ensemble des filières céréalières (https://filagri.be/wp-content/uploads/sites/2/2019/10/CdP_Plan-dFe-developpement_2018_cereales_alimentaires_juillet2019.pdf Flux céréaliers + froment détaillé page 73 et 74), dont un spécifiquement dédié à l’orge de brasserie (https://filagri.be/wp-content/uploads/sites/2/2019/10/ORGE-BRASSICOLE-_plan-de-developpement-strategique-2017_Final-valid%C3%A9-1.pdf Flux orge de brasserie page 21). L’ensemble des flux céréaliers sont donc abordés, mais il est plus difficile de le faire pour l’épeautre, car cette céréale étant très proche du froment, les statistiques ne font pas toujours la distinction entre les deux. Toutes céréales confondues, importations comprises, celles-ci sont destinées pour 36 % à l’alimentation animale, pour 22 % à l’amidonnerie et à la production de bioéthanol, pour 16 % à la meunerie et pour 12 % à la brasserie.

    L’industrie céréalière est demandeuse de gros lots de céréales très homogènes. Le parcellaire nettement plus faible en Belgique que dans les pays limitrophes (France, Allemagne, Europe de l’Est), la structuration de la filière (composée de nombreux petits dépôts de négoce avec peu de stockage en ferme…) et un choix variétal important (plus de 80 variétés différentes de blé), rendent la réalisation de lots homogènes plus difficile en Belgique. Ces faiblesses du point de vue alimentaire sont des atouts pour les agriculteurs du point de vue fourrager. Autre atout, contrairement à la France, la période de récolte est souvent plus courte et entrecoupée par les pluies. Cette durée de récolte est également favorisée par la proximité des dépôts de récolte qui se trouvent en général à moins de 20 km de l’exploitation.

    En choisissant des variétés résistantes aux maladies et adaptées localement, l’agriculteur garantit son indépendance en sécurisant son rendement et en répondant au mieux aux conditions pédoclimatiques de sa région.

    Enfin, il est à noter que les variétés de céréales alimentaires (blé panifiable, orge brassicole) ont un rendement inférieur de 30 à 40 % à leurs homologues fourragères. De plus, il y a un risque de déclassement plus important les céréales alimentaires, car les critères de qualité sont plus exigeants. C’est ainsi que, principalement à cause de notre climat, on estime que les lots de céréales seront déclassés une année sur quatre (mycotoxines, humidité, taux trop faible de protéines, Habgerg…). Actuellement les prix du marché ne permettent pas de compenser cette différence de rendement et encore moins de couvrir le risque de déclassement.

    C’est la principale raison pour laquelle notre pays produit majoritairement des céréales « standard » destinées à l’alimentation du bétail et à la production de biocarburant et importe des céréales pour l’alimentation humaine. Les experts estiment que moins de 15 % des farines produites en Belgique sont d’origine indigène. Le nombre d’entreprises de transformation alimentaire est relativement réduit : sur les 16 moulins industriels belges, seuls quatre sont wallons…

    Cependant, certaines meuneries s’approvisionnent de plus en plus localement et développent des produits locaux. On constate également un dynamisme des circuits courts avec la création de (micro)brasseries et la remise à niveau de petits moulins « meule sur pierre » et de meuneries à la ferme. En 2018, la Wallonie comptait 15 moulins artisanaux dont la capacité de production reste cependant limitée (généralement inférieure à 250 t/an) et représente donc des tonnages globaux assez faibles. L’activité de meunerie artisanale n’est pas toujours très rentable, la mouture à façon (pour d’autres) l’est encore moins pour les meuniers. C’est pourquoi, en général, les meuneries préfèrent développer leurs propres produits alors que les agriculteurs installent des petites meuneries directement à la ferme.

    C’est sur base de ces constats que je souhaite, complémentairement aux circuits traditionnels, que le Plan stratégique filières céréalières contribue au développement de filières locales et durables, de l’agriculteur jusqu’aux entreprises de seconde transformation tout en assurant une valorisation à un prix juste pour l’agriculteur.