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La crise de la pomme de terre et l'efficacité des mesures régionales

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 399 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 15/07/2020
    • de ANTOINE André
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    À la mi-avril, j'ai eu l'occasion d’interroger Monsieur le Ministre sur la crise majeure rencontrée par nos producteurs de pommes de terre.

    À l'époque, 750 000 tonnes de pommes de terre attendaient toujours de trouver preneurs dans les hangars, dont 340 000 tonnes en Wallonie.

    À cela, s'ajoutait la concurrence des produits en provenance des pays étrangers, notamment à travers les primeurs de saison.

    Nous avions lui et moi évoqué sinon convenu quatre pistes de solution :
    - une campagne de promotion à l'initiative de l'APAQ-W ;
    - un rachat massif des stocks excédentaires aux profits des banques alimentaires et des associations qui viennent en aide aux plus démunis ;
    - une relance des exportations ;
    - et surtout, un soutien financier à la tonne stockée suivant ainsi le modèle néerlandais.

    À la veille d'une nouvelle récolte de tubercules, peut-il dresser l'état des lieux de cette spéculation et les conséquences négatives avérées ?

    Quelles mesures a-t-il finalement adoptées et avec quelle efficacité ?

    Enfin, certains agriculteurs se plaignent avec amertume du très et du trop grand nombre d'hectares réservés à cette culture, ajoutant encore des difficultés aux excédents constatés.

    Compte-t-il tenter de réguler cette offre ou pour le moins sensibiliser les agriculteurs au mirage que peut constituer une culture aussi intensive ?
  • Réponse du 11/08/2020
    • de BORSUS Willy
    Je me permets, tout d’abord, de contextualiser ce que l’honorable membre qualifie de « crise majeure rencontrée par nos producteurs ». Pour ma part, je la qualifierais aussi de crise inédite, voire même atypique. Car ce n’est pas une soudaine désaffection des consommateurs pour les pommes de terre ou les frites qui en est à l’origine. Non, la genèse de cette crise n’est autre que l’interruption inattendue et temporaire des flux au sein de la filière de transformation, de commercialisation et d’exportation.

    Je commencerai par lui indiquer que j’ai entretenu de nombreux contacts - objectivement fructueux - avec les responsables de la grande distribution. Je me suis attaché à les sensibiliser aux enjeux du secteur et à les encourager à laisser le plus longtemps possible les pommes de terre locales dans les linéaires, et ce, au moment où les primeurs étrangères commençaient à arriver. Un travail important a, par ailleurs, été effectué par les services dont j’ai la responsabilité.

    - L’APAQ-W a diffusé une campagne de promotion sur les antennes de la chaîne privée, pendant un mois, destinée à faire vibrer la corde sensible des consommateurs pour ce produit emblématique. Une présence appuyée a, par ailleurs, été assurée sur les réseaux sociaux, afin de dégager un maximum d’interactions entre l’Agence et le public. L’APAQ-W a, par ailleurs, participé à l’opération « SOS PATAT » aux côtés de la grande distribution et de la plateforme « Too good to go ». L’Agence planifie maintenant une campagne qui démarrera en septembre, essentiellement axée sur l’image des produits et des producteurs. J’ajoute que l’APAQ-W a obtenu un projet européen destiné au soutien du secteur à l’exportation de produits transformés, en collaboration avec le VLAM, et que son exécution (prévue sur trois ans) reprendra dès que les conditions sanitaires le permettront.
    - Le Collège des producteurs, quant à lui, en collaboration avec la plateforme digitale Bourse aux dons, a concrétisé une action d’écoulement des pommes de terre wallonnes à destination du secteur de l’aide alimentaire. Ma collègue Christine Morreale et moi-même avons accordé notre soutien à cette action à hauteur de 30 000 euros, ouvrant ainsi la possibilité d’écouler 100 000 kg de pommes de terre : un objectif qui a été atteint.

    Concernant l’état des stocks, sur base des données récoltées par Belpotato (Organisation interprofessionnelle de la PDT en Belgique), les stocks de la filière libre étaient estimés, au 1er juin dernier, à 465 000 T pour la Belgique, dont 165 000 T pour la Wallonie. Il s’agit, comme je l’ai dit, d’une estimation. Sur base de ce constat, nos voisins, dont la Flandre, ont effectivement annoncé une aide à la tonne stockée. L’honorable membre connaît ma sensibilité pour le secteur agricole et ma volonté de soutenir toutes ses composantes. C’est ainsi qu’à l’issue du conclave budgétaire, le Gouvernement m’a confié le soin de gérer une enveloppe dédiée à l’indemnisation des conséquences de la crise de la Covid au sein du monde agricole. Il est dès lors évident que les producteurs de pommes de terre entrent largement en ligne de compte pour pouvoir bénéficier de cette indemnisation.

    C’est donc en parfaite concertation avec les représentants du secteur qu’il faut procéder à une évaluation de l’ampleur des dégâts en objectivant l’état des stocks. Cela constitue le préalable indispensable à la mise en place d’un processus équitable d’indemnisation. Celui-ci devra aussi tenir compte de l’information qui m’est rapportée et qui me confirme que les contrats sont, en très grande majorité, respectés par les acheteurs tandis que la filière libre, par essence plus spéculative, est quant à elle sujette à davantage de pression.

    J’en viens au « nombre d’hectares réservés à cette culture ». Je sais que d’aucuns s’émeuvent de ce que l’agriculture - en l’occurrence le secteur de la pomme de terre - produise davantage que ce qui est nécessaire au marché intérieur. Je ne partage personnellement pas cette vision. D’abord parce que dans notre Région, environ 45 000 hectares sont aujourd’hui valorisés grâce à ce secteur, mais aussi et surtout, parce que ceux-ci assurent un revenu primordial à de nombreux agriculteurs et à leur famille. En outre, oserai-je le dire, la Wallonie a plus que jamais besoin de ses filières d’excellence. N’oublions pas que, derrière la transformation de pommes de terre, il y a des entreprises, de la valeur ajoutée et, ni plus ni moins, 20 000 emplois qui, eux aussi, méritent d’être sauvegardés. Enfin, même si cela peut paraître anecdotique, il y a la symbolique de la pomme de terre, récemment exprimée par la reconnaissance des « fritkots » en tant que patrimoine culturel national. Cet ancrage culturel n’est évidemment pas étranger à l’importance de la production de pommes de terre dans notre pays.