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La dérogation accordée à Infrabel pour l'utilisation des pesticides

  • Session : 2019-2020
  • Année : 2020
  • N° : 347 (2019-2020) 1

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  • Question écrite du 25/08/2020
    • de LEPINE Jean-Pierre
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Par un arrêté du 25 juin dernier, le Gouvernement wallon octroyait une dérogation à Infrabel pour l'utilisation des pesticides, dont le glyphosate, mieux connu sous sa dénomination commerciale «Roundup».

    Pour rappel, depuis l'entrée en vigueur, le 1er juin 2019, de l'interdiction des produits phytosanitaires pour l'entretien des espaces publics en Wallonie, le long des chemins de fer wallons, le désherbage se faisait à la main. La société déplorait, depuis plusieurs mois, l'inexistence d'alternative efficace aux pesticides.
    Infrabel est ainsi désormais autorisée à utiliser « jusqu'au 30 juin 2021, des produits pesticides qui contiennent des substances actives qui représentent un risque pour la protection de l'environnement, pour la santé humaine ou pour la conservation de la nature pour l'entretien des espaces situés à moins d'un mètre d'une voie de chemin de fer, non reliés à un réseau de collecte des eaux pluviales et ne bordant pas des eaux de surface. »

    Infrabel devra, en outre, pour le 1er février 2021 au plus tard, notamment communiquer au SPW ARNE la liste des espèces végétales problématiques rencontrées sur le réseau ferroviaire ainsi que transmettre un rapport faisant état de l'avancement de sa stratégie de réduction des pesticides en Wallonie.

    Quels contrôles seront réalisés afin de vérifier la conformité des pratiques d'Infrabel aux conditions de l'arrêté ?
    La Wallonie investit-elle, notamment au travers du CRA-W, dans la recherche d'alternatives efficaces à l'utilisation de pesticides ? Madame la Ministre pourrait-elle faire état des projets éventuellement en cours ?

    Comme elle le sait, les pouvoirs locaux ont dû, à la suite de l'interdiction entrée en vigueur en juin 2019, promouvoir un changement du rapport à l'entretien des espaces publics tout en sollicitant davantage le recours au travail manuel, en consentant à de nouveaux investissements en matériel, et ce, dans des marges budgétaires que nous savons limitées.
    Ces dernières semaines, de nombreuses voix se sont d'ailleurs élevées pour se plaindre d'un prétendu manque d'entretien des cimetières, les herbes foisonnantes, recouvrant parfois les sépultures, dans un lieu où le respect — et l'on peut ne qu'aisément le comprendre — est sacralisé.

    Le désherbage à la main étant chronophage ou requérant une main-d'œuvre supplémentaire, il est aussi très difficile, pour nombre de communes, dont les finances sont mises à rude épreuve, de faire face aux défis que représente l'interdiction des pesticides, tout à fait légitime et nécessaire en matière d'environnement-santé, mais mise à l'épreuve des difficultés de terrain et du rapport qu'entretiennent les citoyens à l'entretien public. À cet égard, l'opération « Été solidaire, je suis partenaire », qui existe depuis 1994, soutenue par le Ministre Dermagne, fut d'une aide tout à fait salutaire, à Quaregnon notamment, commune dont j'assure le mayorat, même si elle ne peut suffire face à l'ampleur de la tâche.

    Aussi, comment, à la suite de l'octroi de cette dérogation à Infrabel, entend-elle justifier ce qui, aux yeux de beaucoup, pourrait apparaître comme une contradiction, un retour en arrière, voire, dans un contexte où règne une défiance à l'égard du politique, un « passe-droit » ?

    Quelle pédagogie préconise-t-elle en la matière ?
  • Réponse du 25/09/2020
    • de TELLIER Céline
    La prudence s’impose quant à l’utilisation de la marque commerciale « RoundUp » pour désigner, par simplification, les herbicides totaux à base de glyphosate.

    En effet, il existe actuellement, sur le marché des herbicides à destination des particuliers, une utilisation prêtant à confusion de cette marque commerciale pour désigner des produits ne contenant plus de glyphosate (mais des acides d’origine naturelle) puisque le glyphosate est interdit pour les particuliers depuis le 6/10/2018.

    Le principe de « zéro phyto » n’est concrètement applicable que s’il existe des alternatives efficaces et durables aux traitements (principalement) herbicides.

    C’est le cas pour les communes qui sont donc capables d’appliquer ce principe depuis juin 2019, mais malheureusement ce n’est pas encore le cas pour INFRABEL, puisqu’aucune alternative efficace n’existe actuellement pour le désherbage des voies de chemin de fer sans herbicides.

    Le désherbage des voies de chemin de fer n’est pas esthétique, mais constitue un impératif de sécurité pour la bonne circulation des trains : pas d’entrave au freinage ou à l’adhérence, dégagement des pistes de sécurité pour permettre l’entretien des voies et, le cas échéant, l’évacuation des voyageurs d’un train immobilisé.

    Ainsi, le traitement des voies par un train désherbeur spécifique (équipé d’une caméra détectant la présence de végétation) ne peut se faire qu’à 60 km/h minimum pour ne pas perturber le trafic ferroviaire.

    À l’heure actuelle, aucune alternative n’est efficace à cette vitesse. Des tests ont déjà été réalisés en Europe avec des traitements thermiques, mais à ce stade sans résultat probant1.
    Le projet HERBIE se prolonge actuellement par le projet TRISTRAM2, qui a pour objectif de définir une stratégie de transition pour la gestion de la végétation sur les voies de chemin de fer.

    L’UIC (International Union of Railways) a investi des moyens importants pour étudier les possibilités d’alternatives aux herbicides et c’est d’ailleurs à ce niveau-là que la recherche doit se développer selon le principe de subsidiarité, la Wallonie n’a pas les moyens nécessaires pour développer de la recherche sur ces alternatives.

    Par ailleurs, il n’appartient pas au CRA-w de développer des alternatives pour le chemin de fer puisqu’il ne s’agit pas de recherche agronomique à proprement parler. Cependant, le CRA-w travaille effectivement sur le développement d’alternatives ou de nouveaux produits destinés à l’agriculture.

    En ce qui concerne les cimetières, une communication adéquate et pédagogique et l’encadrement mis en place par la Wallonie a permis à de nombreuses communes wallonnes d’assurer une transition vers un autre entretien des cimetières (notamment par l’enherbement des allées) sans que cela soit perçu par leurs citoyens comme du « laisser-aller » ou un manque de respect pour les défunts.

    La dérogation octroyée à INFRABEL est balisée de toute une série d’obligations de rapportage. L’administration dispose notamment du plan de réduction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques élaboré par INFRABEL. Ce plan reprend, notamment, la manière dont la société entretient ses voies et tous les efforts déjà consentis pour diminuer les quantités d’herbicides utilisées.

    Ainsi, les développements successifs du train désherbeur ont permis depuis 2015 de réduire de 65 % les quantités d’herbicides antigerminatifs utilisées. Le plan détaille également l’ensemble du tracé des voies de chemin de fer en Wallonie et le croisement de ce tracé avec les zones sensibles (cours d’eau, zones de captage d’eau, zones Natura2000…).

    Cette dérogation n’est, en aucun cas, un « passe-droit » ou un retour en arrière, il s’agit, à l’instar des dérogations octroyées en Flandres et à Bruxelles, d’une temporisation faute de solution alternative complète dans l’objectif du « zéro phyto » pour certains espaces ferroviaires.

    Le fait que la dérogation soit accordée uniquement pour un an ne va pas non plus dans le sens d’un « passe-droit » puisque des produits à faible risque sont annoncés sur le marché belge. Il n’y a donc pas de « chèque en blanc » signé par le Gouvernement pour permettre à INFRABEL de continuer comme avant sans rechercher d’alternatives.

    Au contraire, une pression constante est exercée pour qu’INFRABEL réussisse à l’avenir à se passer définitivement de pesticides.