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L'audit des entreprises SEVESO utilisant des nitrates d'ammonium

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 1 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 07/09/2020
    • de MATAGNE Julien
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Au début de ce mois d'août 2020, le Liban a connu une véritable tragédie humaine et environnementale lorsque des déflagrations liées à des tonnes de nitrate d'ammonium stockées « sans mesures de précaution » se sont produites dans le port de Beyrouth.

    À la suite de cet accident, Madame la Ministre a annoncé avoir mandaté l'administration wallonne pour mener un audit des entreprises SEVESO utilisant des nitrates d'ammonium sur notre territoire.

    Les résultats de cet audit sont-ils disponibles ? Si oui, peut-elle nous en livrer les principaux enseignements ? Dans le cas contraire, peut-elle indiquer le calendrier prévu pour sa réalisation ?

    Quelles sont actuellement les obligations imposées aux établissements SEVESO concernant le contrôle de ces substances particulières ? De quelle manière la Wallonie travaille-t-elle à éviter de tels accidents dans notre Région ? Notre Région est-elle en contact avec les autres entités et les pays frontaliers sur ce sujet et afin d'éviter tout risque d'accident qui induirait des conséquences importantes pour notre environnement et la population ?
  • Réponse du 02/10/2020
    • de TELLIER Céline
    Le 5 août 2020, un rapport a été demandé au SPWARNE à la suite de l’accident survenu à Beyrouth. Le 12 août 2020, la cellule Risques et Accidents majeurs du SPWARNE (ci-après cellule RAM) indiquait que la problématique du nitrate d’ammonium n'était pas neuve. Le dernier accident connu avant celui de Beyrouth est celui qui s’est déroulé à Toulouse le 21 septembre 2001.

    À la suite de cet accident, la directive Seveso II (2003/105/CE) a été amendée afin d’intégrer une modification des rubriques spécifiques aux nitrates d’ammonium pour viser plus spécifiquement les matières rejetées au cours du processus de fabrication ou renvoyées au fabricant (matières « off-specs » (hors spécifications)). Toujours pour donner suite à cet accident, la cellule RAM a entrepris en 2001 un recensement des sites SEVESO wallons détenant du nitrate d’ammonium en grandes quantités.

    Aujourd’hui, les entreprises concernées font l’objet d’un suivi régulier et d’une analyse de risques continue selon les aspects réglementaires et les critères utilisés par l’administration pour autoriser le stockage d’ammonium. Ces critères sont détaillés ci-après.

    Pour les sites SEVESO seuils bas et seuils hauts : le nitrate d’ammonium est repris comme substance spécifiquement désignée dans les annexes « substances dangereuses » de la directive Seveso III.

    Lors de l’instruction de la demande de permis d’environnement d’une société possédant une quantité de nitrate d’ammonium dépassant les seuils de la directive, la cellule RAM est obligatoirement consultée. Elle remet un avis sur la maîtrise des risques liés à la présence de ces substances dangereuses et à leur mise en œuvre au sein de cette société. L’analyse de la cellule RAM se base soit :
    - sur une évaluation de l’étude de sûreté pour un établissement SEVESO seuil haut ;
    - sur la notice d’identification des dangers pour un établissement SEVESO seuil bas.

    Sur base de cette analyse, la cellule RAM remet un avis favorable, défavorable ou favorable moyennant imposition de conditions particulières.

    La bonne mise en œuvre et le respect des mesures de précautions et des conditions particulières sont vérifiés in situ par les inspecteurs régionaux SEVESO (de la cellule RAM).

    Les entreprises SEVESO qui produisent, stockent ou utilisent du Nitrate d’ammonium visé par la directive Seveso doivent fournir différentes analyses de risques :
    1. en cas de demande de permis, une étude de sûreté ou une notice d’identification des dangers doit être fournie en fonction du seuil bas ou haut de l’établissement. Celle-ci est analysée par la Direction des risques industriels géologiques et miniers (DRIGM) afin de vérifier que l’exploitant maîtrise ses risques. La DRIGM remet alors un avis favorable, défavorable ou favorable sous conditions ;
    2. dans le cadre de la politique de la maîtrise de l’urbanisation autour des sites SEVESO imposée par la directive Seveso, une évaluation du couple effet/probabilité est calculée et tracée afin de gérer l’urbanisation autour de ces sites. Les courbes iso-risques ainsi obtenues donnent une image du risque généré par chaque entreprise sur son voisinage proche. Il en résulte « des périmètres de protection du voisinage » qui sont accessibles via le site internet Walonmap (https://geoportail.wallonie.be);
    3. pour les établissements SEVESO seuil haut, un rapport de sécurité doit être fourni par l’exploitant tous les 5 ans. Dans ce document, l’exploitant doit notamment prouver qu’il maîtrise ses risques et ce rapport est analysé tous les 5 ans par la cellule RAM et d’autres services comme les services de secours et le SPF Intérieur. À noter que les communes et les Gouverneurs reçoivent également un exemplaire du rapport de sécurité.
    Des inspections conjointes (régionales et fédérales (SPF Économie (pour les sites explosifs) et SPF Emploi et Travail)) sont menées dans les sites SEVESO. Dans le cadre de ces inspections, différents outils d’inspection sont utilisés. Lors de ces inspections, des vérifications peuvent également être réalisées vis-à-vis du contenu de l’étude de sûreté, de la notice d’identification des dangers, du respect des conditions d’exploiter, et du contenu du rapport de sécurité.

    Selon la classification de l’entreprise (seuil bas, seuil haut), sa proximité avec les riverains, le risque résiduel … la fréquence d’inspection fixée par la cellule RAM peut aller d’une fois par an à une fois tous les trois ans.

    En Région wallonne, l’idée qui prévaut est de lier la fréquence d’inspection à l’impact généré par l’établissement sur la population externe, illustré par les courbes iso risques ou les périmètres de protection du voisinage et sur la proximité des zones fréquentées par le public. Plus l’impact sur cette population est élevé, plus les fréquences d’inspection seront élevées. À noter que le suivi du plan d’actions mis en place par les sociétés pour répondre aux remarques et exigences des inspecteurs est réalisé très régulièrement. Dès lors, toutes les sociétés SEVESO sont pratiquement visitées au moins une fois par an.

    Concernant les contacts avec les pays transfrontaliers, l’accord de coopération du 16 février 2016 entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses précise et règle les rôles de chaque intervenant.

    En cas d’accident majeur ou menace, c’est le Centre de crise national (NCCN) qui avertit l’État membre impacté et la région impactée. Le NCCN est l’organe de liaison pour la notification d’un accident majeur et l’organe de liaison pour l’assistance.

    En outre, les plans d’urgence externe doivent reprendre les dispositions visant à assurer l’information des autorités compétentes des autres États membres en cas d’accident majeur pouvant avoir des conséquences au-delà des frontières.

    Il est à préciser encore que, traditionnellement lorsqu'un accident de grande ampleur se déroule dans un pays, les organismes impliqués dans la maîtrise des accidents majeurs (soit le MAHB de la Commission européenne, ou l’Ineris (BARPI), HSE, TNO …) publient des notes relatives à cet accident. Les causes identifiées sont mises en avant ainsi que des recommandations dans la gestion des accidents majeurs.

    La cellule RAM restera à l’écoute des informations en provenance de Beyrouth et des organismes internationaux afin de connaître les causes de l’accident. La cellule RAM analysera ses outils de travail et les fera évoluer le cas échéant, à la lumière des renseignements obtenus. Ce processus de remise en cause des outils de travail à la suite des accidents survenant ailleurs dans le monde est un processus continu qui anime tous les experts de la sécurité.