/

Le nitrate d'ammonium

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 38 (2020-2021) 1

2 élément(s) trouvé(s).

  • Question écrite du 25/09/2020
    • de CLERSY Christophe
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    La Ville de Beyrouth a été victime d'une terrible explosion le mois dernier provoquée par un produit chimique : le nitrate d'ammonium.

    Cette substance est un engrais azoté très utilisé dans le monde entier en agriculture. Il sert aussi couramment d'explosif industriel, mélangé à du fioul.

    Ce produit nécessite toutefois une certaine rigueur dans son entreposage en raison de son potentiel explosif. Sous l'effet d'une forte température (au moins 210 °C), ce solide assez dense se décompose subitement en différents gaz dans une réaction qui libère une immense quantité d'énergie et crée une onde de choc avec cet effet de souffle monstrueux qu'ont bien montré les vidéos prises dans la capitale libanaise. D'autres incidents du même type ont eu lieu à l'usine BASF d'Oppau, dans le port américain de Texas City et au sein de l'usine AZF de Toulouse plus récemment.

    Qu'en est-il en Wallonie ?

    Combien de permis ont été délivrés pour des lieux visant l'entreposage de ce produit ?

    Quelles mesures de contrôle ont été prises  ?

    Dans notre région, pour obtenir leur permis, les établissements Seveso doivent fournir une étude de sûreté ou une notice d'identification des dangers lors de leur demande de permis afin que les risques puissent être identifiés. Le SPW est systématiquement consulté lors du processus d'analyse de chaque demande de permis et un contrôle de ces entreprises a lieu a minima tous les 3 ans.

    Madame la Ministre pourrait-elle me dresser un état des lieux des contrôles qui ont été menés dans les établissements entreposant du nitrate d'ammonium ?

    Des problèmes particuliers ont-ils été relevés et, le cas échéant, quelles mesures ont été prises ?

    Des sanctions ont-elles été prononcées ?
  • Réponse du 16/10/2020
    • de TELLIER Céline
    Le type de nitrate d’ammonium à l’origine de l’explosion à Beyrouth n’est toujours pas connu. Il peut s’agir effectivement de nitrate d’ammonium « qualité engrais », mais aussi de nitrate d’ammonium « qualité technique ».

    En effet, il y a lieu de distinguer différents types de nitrate d’ammonium. On peut d’abord différencier les nitrates d’ammonium dits « SEVESO », qui sont nommément visés par la directive SEVESO III et toutes les autres substances à base de nitrate d’ammonium.

    La première catégorie qui reprend les nitrates d’ammonium visés par la directive SEVESO présente effectivement un risque d’explosion.

    Pour la seconde catégorie qui reprend les substances à base de nitrate d’ammonium non visées par la directive SEVESO, celles-ci sont communément des engrais à base de nitrate d’ammonium dans lesquels ont été ajoutés des éléments de charge tels que de la dolomie, du carbonate de calcium ou pour lesquels la concentration en nitrate d’ammonium est faible.

    Les éléments de charge permettent de baisser le titre en azote et renforcent la stabilité du nitrate d’ammonium. De nombreuses exploitations agricoles utilisent ce type d’engrais. Le risque associé à ce type de substances est négligeable au regard des nitrates d’ammonium visés par la directive SEVESO.

    En Wallonie, on décompte sept entreprises SEVESO disposant de nitrate d’ammonium visé par la directive dont quatre sont des sites dits « explosifs ». La présence de ces substances est autorisée par les permis d’exploiter de ces sociétés. Afin d’être autorisées à stocker, produire ou utiliser ces substances visées par la directive SEVESO, les entreprises SEVESO doivent fournir différentes analyses de risques :

    1. Dans le cadre de la demande de permis d’environnement, une étude de sûreté ou une notice d’identification des dangers doit être fournie. Celle-ci est analysée par la Direction des risques industriels géologiques et miniers afin de vérifier que l’exploitant maîtrise ses risques. À la suite de cette analyse, cette direction remet un avis positif, négatif ou positif moyennant l’introduction dans le permis de conditions particulières d’exploitation.

    2. Dans le cadre de la politique de maîtrise de l’urbanisation autour des sites SEVESO imposée par la directive SEVESO, une évaluation du couple effet/probabilité est calculée et tracée autour de ces sites afin de gérer l’urbanisation voisine. Les courbes iso-risques ainsi obtenues donnent une image du risque généré par chaque entreprise sur son voisinage proche. Il en résulte « des périmètres de protection du voisinage » qui sont accessibles via le site internet Walonmap (https://geoportail.wallonie.be/home.html).

    3. Pour les établissements SEVESO seuil haut, un rapport de sécurité doit être fourni par l’exploitant tous les 5 ans. Dans ce document, l’exploitant doit notamment prouver qu’il maîtrise ses risques et ce rapport est analysé tous les 5 ans par la cellule Risques et accidents majeurs et d’autres services comme les services de secours et le SPF Intérieur. À noter que les communes et les Gouverneurs reçoivent également un exemplaire du rapport de sécurité.

    Des inspections conjointes (régionales et fédérales, SPF Économie, pour les sites explosifs, et SPF Emploi et Travail) sont menées dans les sites Seveso. Lors de ces inspections conjointes, des vérifications peuvent également être réalisées vis-à-vis du contenu de l’étude de sûreté ou de la notice d’identification des dangers selon le cas et du respect des conditions d’exploiter, mais encore vis-à-vis du contenu du rapport de sécurité.

    En cas de manquement, l’exploitant doit fournir un plan d’action et un délai pour se mettre en ordre le plus rapidement possible. La mise en place des actions est suivie lors des inspections dites « de suivi des manquements » par les services d’inspection SEVESO.

    Jusqu’à aujourd’hui, aucun problème particulier n’a été relevé pour ces sites et aucune sanction n’a donc été prononcée. Toutes les sociétés SEVESO sont pratiquement visitées au moins une fois par an (inspections proactives et de suivis des manquements).

    La cellule risques et accidents majeurs reste naturellement à l’écoute des informations en provenance de Beyrouth et des organismes internationaux afin de connaître les causes de l’accident. Ils analyseront leurs outils de travail et les ferons évoluer, le cas échéant, à la lumière des renseignements obtenus.

    Ce processus de remise en cause des outils de travail à la suite des accidents survenant ailleurs dans le monde est un processus continu qui anime tous les experts de la sécurité.