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La croissance exponentielle de l'immobilier commercial.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 143 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 29/03/2006
    • de CRUCKE Jean-Luc
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion d'interroger Monsieur le Ministre sur les projets commerciaux d'envergure, type Cora à Mouscron, ainsi que sur leurs conséquences sur le développement territorial de notre Région, développement que nous voulons tous harmonieux.

    La ville de Cannes n'est pas seulement connue mondialement pour son célèbre festival du film, qui ne manque pas de saluer le talent cinématographique belge d'ailleurs, elle l'est aussi pour des événements majeurs propres à un secteur d'activités, pour des « grandes messes » rassemblant tout ce qui compte dans un secteur particulier. C'est le cas de l'immobilier notamment qui tient salon en mars et qui est l'occasion pour les opérateurs du secteur de dévoiler leurs nouveaux projets ou les enseignements de l'une ou de l'autre enquête.

    Il en est une révélée par la presse qui est des plus intéressantes pour la Wallonie : elle concerne les projets commerciaux et a été réalisée par et pour Negocio, la lettre d'information belge sur l'immobilier commercial.

    Alors qu'il existe déjà de nombreuses surfaces commerciales en Belgique (115 sites ventilés et 51 centres commerciaux, 21 galeries, 40 pôles périphériques et 3 magasins d'usine), 51 nouveaux projets (allant de la rénovation à la construction en passant par l'extension) sont aujourd'hui répertoriés en Belgique, ce qui représente 997.465 m2 de commerces en projet. Pour information, la Belgique compte déjà 1.774.068 m2 de surfaces commerciales de ce type. Ce qui signifie que la réalisation des projets en cours augmenterait de 56 % le parc immobilier commercial ! Impressionnant, mais aussi irréaliste ou irréalisable (commercialement ou sur le plan de la procédure, les recours s'accumulant).

    Rien que pour la Wallonie, il s'agirait de 625.487 m2 de surfaces commerciales supplémentaires, soit 63 % de la superficie des nouveaux projets.

    Selon l'enquête de Negocio, ce sont les régions de Namur et de Charleroi qui seront les plus fortement touchées. A priori, en ce qui concerne Namur, l'augmentation de l'offre serait une bonne chose tant le ratio « m2 de vente par 1.000 habitants dans un rayon de 20 minutes » est faible. Ce rato serait multiplié par 36, ce qui est révélateur du manque actuel de structures commerciales de ce type. En ce qui concerne les communes de Charleroi-Châtelet-Farciennes, elles en deviendraient individuellement les communes les mieux équipées du Royaume en centres commerciaux dépassant, et de loin, une ville comme Liège par exemple.

    Cela pose plusieurs questions dont j'aimerais faire part à Monsieur le Ministre.

    De manière générale, que lui inspire la publication de ces chiffres pour le moins étonnants ?

    La croissance présumée de la surface immobilière commerciale (on ne parle ici que de projets d'ampleur), suit une courbe exponentielle qui n'a plus aucun lien avec une croissance de la population ou un niveau de pouvoir d'achat élevé. Comment Monsieur le Ministre explique-t-il un tel déséquilibre ? L'aboutissement, même partiel, de certains de ces projets aura forcément des conséquences néfastes pour le petit commercial local. La question du développement, notamment, mais pas seulement, économique, harmonieux de notre Région est alors posée. Ces implantations, cruellement peu novatrices selon Negocio, ont également un impact sur l'organisation territoriale.

    Comme le suggère Negocio, Monsieur le Ministre pense-il que cette multiplication incontrôlée des projets commerciaux soit une conséquence de la nouvelle loi socio-économique qui attribue la décision finale au pouvoir communal, excluant la Région du processus de décision ? En attendant une nouvelle autorégulation du marché, Monsieur le Ministre craint-il que la concurrence que les communes se livrent conduise à des décisions précipitées, contreproductrices, voire néfastes, sur le plan économique et de l'organisation du territoire ?
  • Réponse du 27/04/2006
    • de ANTOINE André

    Pour donner suite à la question posée par l'honorable Membre, j'ai le plaisir de l'informer des éléments qui suivent.

    Mon administration ne dispose pas de l'étude Negocio évoquée dans la question.

    Les chiffres Negocio mentionnés par l'honorable Membre ne ventilent malheureusement pas la proportion de nouveaux commerces, de rénovations, d'agrandissements, de délocalisations, …

    Les questions soulevées par l'honorable Membre dépassent largement le cadre strict de l'aménagement du territoire et portent le débat sur le plan philosophique du choix de société et du système économique qui prévaut.

    La nouvelle loi du 17 juillet 2004 relative à l'autorisation d'implantation commerciale a effectivement accru la compétence du collège des bourgmestre et échevins en matière d'autorisation d'implantations. Les avis émis par le Comité socio-économique national, dans les cas où il reste consulté, n'ont plus de caractère contraignant et le collège peut donc s'en écarter moyennant due motivation.

    Il est indéniable que cette situation pourrait favoriser la concurrence entre les communes. Il s'agit manifestement du choix du Gouvernement fédéral dont la législation sur les implantations commerciales est de la compétence exclusive. Pour les projets présentant une surface commerciale nette de plus de 2.000 m2, la loi du 17 juillet 2004 prévoit toutefois une information et une consultation des communes limitrophes du projet.

    Par ailleurs, en ce qui concerne la matière de l'aménagement du territoire, les permis d'urbanisme et permis uniques doivent être conformes aux dispositions du CWATUP.

    A cet effet, le CWATUP fixe certaines balises et n'autorise en droit l'implantation d'entreprises commerciales de grande distribution que dans certaines zones, à savoir : en zone d'habitat et d'habitat à caractère rural, en zone d'aménagement communal concerté, en zone d'activité économique mixte et en zone d'activité économique marquée de la surimpression « GD ».

    Ces dernières zones sont actuellement absentes des plans de secteur (à l'exception d'une zone à Eupen) et doivent y être inscrites par révision de ceux-ci. Cette zone apparaît pourtant comme le lieu privilégié d'implantation d'entreprises commerciales de très grande dimension.

    La révision de plans de secteur pour y inscrire des zones d'activité économique « GD » constitue une réelle opportunité de mener une réflexion approfondie sur le problème que posent les implantations commerciales de très grande dimension, d'une part, en conformité avec les principes énoncés par le SDER et, d'autre part, en s'appuyant sur une contre-expertise de l'opportunité socio-économique du projet réalisée dans le cadre de l'étude d'incidences de plan.
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    Au fur et à mesure de leur révision, les plans de secteur devraient fixer les polarités commerciales à maintenir, à développer ou à créer de manière à garantir l'équilibre de l'armature commerciale régionale et l'équilibre, au niveau urbain, entre les implantations périphériques et les développements en centre-ville, l'objectif étant notamment de maximiser les synergies que peut développer la fonction commerciale avec les autres activités économiques au profit d'un plus grand dynamisme des villes et, partant, du territoire wallon dans son ensemble.

    En tout état de cause, il apparaît clairement que la gestion par les communes des demandes de permis d'urbanisme et des permis uniques portant sur les implantations commerciales gagnerait à prendre davantage en considération les options du SDER.