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L'analyse des performances environnementales et économiques de différents systèmes de production bovins

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 75 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 19/10/2020
    • de GAHOUCHI Latifa
    • à BORSUS Willy, Ministre de l'Economie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l'Innovation, du Numérique, de l'Aménagement du territoire, de l'Agriculture, de l'IFAPME et des Centres de compétences
    Le WWF-Belgique a publié une nouvelle étude de l'UCLouvain sur l'« analyse des performances environnementales et économiques de différents systèmes de production bovins en Région wallonne ».

    On connaît la situation préoccupante de nos agriculteurs et les nombreux défis environnementaux auxquels ils doivent faire face (changement climatique, réduction de la biodiversité, pollution de l'air, etc.). L'aspect économique et la rentabilité des exploitations sont aussi un défi majeur pour le secteur. Malheureusement, de nombreux agriculteurs ont des faibles revenus et dépendent des aides de la Politique agricole commune (PAC).

    Les résultats de l'étude de l'UCL révèlent qu'il est possible de s'affranchir d'un modèle agricole à bout de souffle sur le plan environnemental et économique.

    Le WWF appelle les pouvoirs publics à jouer un rôle actif pour « encourager la transition vers des modèles agricoles extensifs et qui valorisent l'herbe ».

    Monsieur le Ministre a-t-il pris connaissance de cette étude de l'UCL ?

    A-t-il rencontré les représentants du secteur afin de débattre de ce rapport et d'entendre l'ensemble des interlocuteurs concernés ?

    Comment la Wallonie va-t-elle se positionner face à la demande du WWF qui souhaite que les pouvoirs publics jouent un rôle actif pour freiner la course à la productivité et encouragent la transition vers des modèles agricoles extensifs et qui valorisent l'herbe ?
  • Réponse du 05/11/2020
    • de BORSUS Willy
    Il est évident que l'élevage bovin, en particulier allaitant, est en difficulté financière, et ce, depuis de nombreuses années malheureusement. Sans les aides publiques perçues, incluses dans cette étude et qui sont assez différentes entre les systèmes étudiés par WWF, la situation de nos éleveurs serait encore plus difficile.

    Quoi qu’il en soit, il ne faut pas stigmatiser l'élevage bovin pratiqué en Wallonie et le comparer à ces élevages intensifs tels que l'on peut les rencontrer outre- atlantique, ce que certains pourraient avoir en tête derrière les qualificatifs tels que « intensif » utilisés dans l'étude. On est très loin de cela en Wallonie.

    L'herbe et les cultures fourragères jouent un rôle central dans tous nos élevages bovins wallons. Il suffit de voyager dans nos campagnes pour s'en rendre compte. Outre cette valorisation des surfaces, notre élevage valorise une autre source d'alimentation non concurrentielle à l'alimentation humaine, les sous-produits de l'industrie agro-alimentaire.

    La Wallonie est riche de paysages diversifiés dont de nombreuses prairies non labourables et de la présence de nombreuses industries agroalimentaires. Le maintien de fermes aux profils diversifiés permettant une production durable de lait et de viande bovine sur base de l'herbe et des nombreux coproduits disponibles est cruciale.

    L'apport de nos exploitations d'élevage à la sécurité alimentaire ne doit pas être perdu de vue. Malheureusement l'étude WWF a peu analysé cette dimension. De récentes études européennes plus globales démontrent ainsi les vertus de notre élevage bovin en matière de compétition feed-food.

    Il ne faut donc pas condamner notre agriculture, mais continuer à accompagner nos agriculteurs, en agriculture conventionnelle ou biologique, vers une gestion encore plus durable de leur exploitation, et donc bien entendu de l'environnement.

    Les initiatives amenant une meilleure valorisation de la production de nos élevages, que ce soit par leur caractère local, durable, à l'herbe... doivent également continuer à être soutenues.

    De manière plus spécifique par rapport à l'étude de WWF, nous pouvons saluer le travail de l'équipe du SITRA qui apporte un éclairage intéressant. Cependant, force est de constater que certaines critiques ont été formulées à l’égard de cette étude.

    Ainsi, Eleveo a souhaité réagir via un communiqué de presse afin de nuancer l’étude dont il est question. Plusieurs aspects sont évoqués, mais, je reprends in extenso un passage qui permettra à l’honorable membre de comprendre que les éléments des uns face aux autres doivent être nuancés. Et qu’à tout le moins, les études à notre disposition doivent se lire de manière croisée afin d’avoir une vision la plus précise possible de la situation permettant de prendre les décisions les plus adéquates pour nos agriculteurs :
    « La dimension sociale, 3e pilier de la durabilité, n’a pas été analysée. Au-delà des aspects micro-économiques (structure familiale), cette dimension peut se traduire par la capacité nourricière d’un système agricole, capacité qu’intègre la notion de sécurité alimentaire à l’échelle d’un territoire. Elle peut être mesurée par la quantité de viande, et plus spécifiquement les kilogrammes de protéines consommables produits par hectare, déduction faite des protéines consommables nécessaires en amont. Les systèmes remis en question par WWF (systèmes Blanc-Bleu Belge intensifs) sont pourtant ceux qui présentent la meilleure productivité nette par hectare, jusqu’à deux fois plus de protéines que les systèmes dits extensifs !

    Parallèlement à cela, au vu des données économiques présentées par WWF, il est facile de montrer que ces élevages dits intensifs (notamment en race Blanc-Bleu Belge) perçoivent le meilleur revenu par unité de travail déduction faite des aides des pouvoirs publics. Autrement dit, les systèmes extensifs sont largement plus dépendants des aides et sont donc les moins aptes, demain, à vivre de leur production agricole. »

    Il est nécessaire d’aborder avec prudence les mesures de transition à mettre en œuvre dans le cadre de la nouvelle PAC afin d’encourager des formes plus extensives de nos productions bovines. En effet, une analyse détaillée des données économiques de l’étude WWF montre qu’il existe une très grande hétérogénéité des résultats économiques au sein des systèmes identifiés. Selon une approche statistique, les écarts-types sur les revenus repris dans les comptabilités analysées sont tellement élevés qu’il n’y a d’office aucune différence significative entre les modes de production évalués.

    Or, c’est justement cette absence d’effet qui est ensuite mise en avant pour dire « les revenus de toutes les exploitations sont les mêmes, quel que soit le mode de production ».

    Il est également important d’apprécier correctement l’indicateur environnemental choisi. Dans l’étude WWF il consiste en effet en une simple addition de points attribués à 5 critères (Empreinte carbone, émission azote, Biodiversité, utilisation de PPP, utilisation du soja), sur une échelle allant de 1 à 4 par critère. Un même poids est accordé à chacun de ces indicateurs, ce qui ne reflète pas la réalité de leur influence relative. Ces 5 indicateurs ne sont pas autonomes, mais bien corrélés entre eux. Ainsi, par exemple, si l’on réduit l’usage de PPP on améliore le critère PPP, mais également le critère biodervisité et s’il y avait un critère qualité de l’eau, il aurait été également amélioré. Une même pratique induit donc une cumulation du résultat positif ou négatif.

    Ces observations sur cette étude ne signifient pas que l’étude est erronée ou incomplète. Cela signifie que ses résultats doivent être appréciés avec discernement et dès lors que les choix posés sur base des différentes études menées sur le sujet de l’extensification de la production animale doivent également être opérés avec nuance en tenant compte de la grande diversité des conditions de production et des modes de production des exploitations wallonnes.

    Une autre étude (Projet Sustainbeef) a pourtant étudié la durabilité de systèmes bovins viande (naisseur-engraisseur) les plus fréquents en UE selon ses 3 axes (environnemental, économique, sociétal). Force est de constater que les systèmes rencontrés en Belgique (notamment naisseur-engraisseur BBB dit intensif) n'ont pas à rougir en termes de durabilité environnementale et sociale face à leurs homologues européens. Le contexte particulier de disponibilité des ressources et de races spécialisées permet dans certaines fermes une plus grande productivité.

    Mon équipe a bien entendu suivi le Webinaire proposé par WWF et a eu l’occasion de rencontrer Eleveo qui a pu exposer sa vision par rapport à l’étude en question.