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Les impacts du projet "Boucle du Hainaut" sur la santé et la faune

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 71 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 19/10/2020
    • de AHALLOUCH Fatima
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Il existe un faisceau d'indices révélant la dangerosité du projet « Boucle du Hainaut » sur la santé et la faune.

    Quelle est la position de Madame la Ministre quant à ce dossier mis en place au nom de la transition énergétique ?

    Quel serait l'impact sur la santé des citoyens et des animaux, des élevages de la région, par rapport au champ électromagnétique que dégage cette ligne à très haute tension à 380 000 volts ?

    Quelle est sa position quant à l'enfouissement des lignes pour limiter l'impact sur le paysage et sur la santé des riverains, comme la ligne à Auvelais-Gembloux ?

    Le 3 septembre, elle a communiqué à la presse qu'une étude d'incidence sera réalisée. Où en est cette étude ?

    Nous nous réjouissons par ailleurs que les conclusions soient également vérifiées par le pôle Environnement du Conseil économique, social et environnemental.

    Enfin, elle a déclaré qu'il y a un certain nombre de dispositifs qui permettraient de faire en sorte que la législation soit respectée et que la santé de nos citoyens soit également respectée. Pourrait-elle nous en dire plus ?
  • Réponse du 19/11/2020
    • de TELLIER Céline
    Le projet « Boucle du Hainaut » vise le déploiement d’une ligne à haute tension de 380 000 Volts (380 kV). Elle constituerait un développement du réseau global de ligne qui parcourt déjà la Belgique. Ce réseau comprend déjà des lignes à très haute tension (THT ; de 380 kV à 220 kV) pour le transport de l’énergie au niveau national et des lignes à haute tension (HT ; de 110 kV à 70 kV) pour le transport au niveau régional.

    La Déclaration de politique régionale prévoit en outre que :
    « La réalisation du projet « Boucle du Hainaut », une liaison à haute tension entre Avelgem et Courcelles, permettra un accès à une énergie abordable, contribuera à atteindre des objectifs climatiques et soutiendra l’activité économique. Le Gouvernement mettra en place l’accompagnement nécessaire à sa réalisation en limitant au maximum l’impact négatif sur les paysages et sur l’environnement, notamment au niveau des champs électromagnétiques. »

    J’ai bien évidemment l’intention d’utiliser les compétences dont je dispose pour travailler sur ces aspects de limitation des impacts des champs électromagnétiques sur la population.

    Rappelons que la constitution du réseau des lignes à haute tension s'explique par la répartition centralisée des zones de production et la répartition décentralisée par nature des zones de consommation. Des lignes à forte puissance assurent donc des interconnexions entre les régions et même avec des pays frontaliers. Celles-ci sont pour l’instant indispensables pour assurer la sécurité de l’approvisionnement des ménages. La majorité des lignes électriques se situent en zones agricoles ou boisées, mais il en existe à proximité d’habitations.

    Ces lignes permettent l’acheminement de l’énergie électrique aux consommateurs à une fréquence de 50-60 Hz. Les différentes composantes de ces lignes (jusqu’à leurs extensions qui se trouvent dans les habitations même) émettent un rayonnement non ionisant sous forme de champ électromagnétique (CEM) de fréquence extrêmement basse (ELF) (un champ électromagnétique est une onde d’énergie produite par le déplacement dans l’espace de particules chargées électriquement. En effet, pour créer un champ, une particule chargée doit être en mouvement. Par exemple, dans le courant alternatif de 60 Hz [cycles par seconde] du réseau d’alimentation, les particules oscillent, générant des champs électromagnétiques variant dans le temps. Plus la charge et la vitesse des particules sont élevées, plus l’intensité du champ magnétique est forte. Cette intensité se mesure généralement en teslas [T], et plus communément en microteslas [µT], qui sont des millionièmes de tesla).

    Comme les champs électriques et magnétiques de la fréquence utilisée par le réseau peuvent induire des courants électriques qui circulent dans l’organisme, il est naturel de se poser des questions à leur sujet. Contrairement à la composante électrique des CEM, sa composante magnétique est capable de franchir facilement des obstacles (haies, murs, bâtiments, sol, etc.). Cette composante magnétique constitue ainsi la source principale de préoccupation pour la santé.

    Un consensus international existe au sein de la communauté scientifique : les champs électriques et magnétiques aux fréquences extrêmement basses du spectre (≤ 300 Hz) et pris séparément ne sont pas considérés comme capables de nuire à la santé (pas de réaction photochimique, pas de réchauffement des tissus).

    En 2002, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a toutefois classé l’exposition aux champs magnétiques ELF comme étant « possiblement cancérogène pour l’humain » (groupe 2B) en se basant sur l’existence de données épidémiologiques associant ces CEM à des cas de leucémie infantile (le type de cancer le plus répandu chez les enfants et les jeunes adolescents. Sa nature est totalement différente des formes de leucémies qui se manifestent chez les adultes).

    Un avis du Conseil supérieur de la Santé (CSS) belge en date de 1er octobre 2008 (Avis 8081) recommande d’ailleurs de limiter l’exposition des jeunes enfants à des niveaux d’exposition quotidienne maximale de 0,4 µT ; toujours en lien avec le risque de leucémie infantile.

    D’autres études ont été menées pour préciser le lien possible entre exposition au CEM-ELF et le développement de tumeurs cérébrales chez les enfants, les risques d’infertilité et les problèmes liés à la grossesse, mais sans jamais aboutir à un consensus probant (nous passons sur une étude iranienne datant de 2016 qui associe l’exposition au champ magnétique [émis par les postes électriques souterrains] avec une réduction des fonctions cognitives des enfants. Les capacités cognitives dépendent de nombreux facteurs, notamment socioéconomiques, qui n’ont pas été pris en compte par cette étude).

    Même si les études actuelles n’indiquent pas que les normes existantes doivent être revues, le milieu scientifique reconnait que trois cas doivent continuer à faire débat : l'électrohypersensibilité, certaines maladies neurodégénératives et les leucémies infantiles.

    Les mesures réalisées sur le terrain ont indiqué qu'au-delà de 100 m, les CEM issus d'une ligne à haute tension ne peuvent plus être distingués du bruit de fond électromagnétique ambiant ; soit de l'ordre de 4 µT (microtesla). Juste à sa verticale, le champ magnétique induit par une ligne de 380 kV (50 Hz) n’est que de 2,7 µT. Cette valeur augmente en s’éloignant de la verticale de la ligne pour atteindre un maximum de 4,9 µT à 10 m. En s’éloignant encore, il diminue à nouveau pour tomber à 1,7 µT à 30 m de distance de la verticale de la ligne.

    Au niveau belge, le Fédéral n’a pas légiféré en matière de champ électromagnétique à très basse fréquence.

    Contrairement aux champs électromagnétiques haute fréquence utilisés pour les antennes GSM, il n’existe pas de normes spécifiquement belges.

    Toutefois, la Belgique se conforme aux limites maximales d’exposition recommandées par le Conseil de l’Union européenne. Ces limites sont de 5 kV/m dans les zones résidentielles pour les champs électriques et de 100 μT pour les champs magnétiques. Cette norme des 100 µT a été définie en 1999 en divisant par 50 l'exposition maximale pour prendre en compte le risque chronique.

    En France, il a été noté que les lignes de transport de l'électricité ne représentent que 20 % des expositions les plus élevées aux champs magnétiques d'extrêmement basse fréquence. Les autres expositions proviennent notamment des transports et des applications domestiques de l'électricité (Association française pour l'information scientifique [AFIS], 05/2010). Les enfants sont généralement moins exposés que les adultes.

    L’enfouissement des lignes électriques est généralement plus coûteux à l'installation. Cette technique n’est utilisée que dans quelques cas particuliers comme le franchissement de sites protégés ou l’alimentation de grandes villes, de métropoles ou d’autres zones à forte densité de population. Cette technique est le plus souvent utilisée pour des lignes de basse et de moyenne tension, pour des lignes en haute tension, son coût est prohibitif. La ligne Auvelais-Gembloux étant de 70 kV, son enfouissement aurait pu être envisagé au moment de son installation.

    En ce qui concerne les conséquences des lignes à haute tension sur les animaux, de nombreuses données scientifiques internationales semblent exclure tout effet direct des champs sur les animaux d'élevage.

    En revanche, elles reconnaissent que ces lignes peuvent provoquer des courants induits ou de fuite qui ont, s'ils sont suffisamment importants, des conséquences négatives sur les élevages. Certaines études attestent d’ailleurs clairement que des animaux d'élevage exposés aux champs électromagnétiques de lignes à haute tensions peuvent présenter des troubles du comportement : nervosité, agressivité, hésitation… qui se manifestent notamment par des traites inégales, des diminutions de poids, et un ralentissement de la croissance.

    Notons également que les champs électromagnétiques provenant des lignes à haute tension peuvent changer le comportement des abeilles, probablement en interagissant avec les petits cristaux de magnétites que contiennent leurs abdomens.

    Les impacts avérés sur les animaux sauvages concernent principalement les oiseaux qui meurent par électrocution et par collision avec les lignes électriques. Les oiseaux de grande taille sont généralement les plus touchés.

    En tant que Ministre de l’Environnement, j’ai la volonté de préserver la santé de la population, et notamment celle des plus fragiles, dans l’optique de faire de la Wallonie un territoire sain. Je souhaite également donner aux citoyens davantage d’outils pour se prémunir des pollutions environnementales.

    C’est pourquoi j’ai l’intention d’agir sur deux volets :
    - d’une part, travailler sur la fixation de valeurs seuils à l'instar de ce que la Flandre a développé, afin d'éviter tout risque en particulier chez les enfants ;
    - d'autre part, approfondir à travers une étude dédiée la question de l’impact des rayonnements électromagnétiques sur la santé, l’environnement, et les êtres vivants en général.