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Les résultats de l'étude de l'UCL sur l'humusation des corps humains

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 77 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 22/10/2020
    • de HAZEE Stéphane
    • à TELLIER Céline, Ministre de l'Environnement, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité et du Bien-être animal
    Je souhaiterais revenir avec Madame la Ministre sur le dossier de l'humusation des corps humains, qui fait depuis plusieurs années l'objet d'une attention soutenue dans notre Parlement. Elle sait qu'un nombre croissant de citoyens et associations se mobilisent pour que le développement de cette pratique funéraire plus respectueuse de l'environnement puisse être envisagé. C'est dans cette optique qu'un budget a été dégagé, en vue de financer une étude dont l'objectif est d'évaluer la faisabilité technique de l'humusation.

    Il faut aussi rappeler que cet enjeu a été reconnu par la Déclaration de politique régionale, puisque le Gouvernement y annonce vouloir poursuivre les études préalables à la reconnaissance de l'humusation.

    Une première expérimentation sur des dépouilles de porcs a été lancée en mars 2019, mais s'est avérée peu concluante. S'ensuivit une seconde phase d'expérimentation, avec un protocole de compostage revu et optimisé. Celle-ci était censée se clôturer fin mars 2020 avec analyse des résultats et production d'un rapport. Toutefois, au vu de la crise sanitaire, l'ouverture des tas de broyats contenant les restes porcins n'a pu être réalisée dans les délais initialement prévus.

    Le Ministre Dermagne a indiqué le 19 août 2020 en réponse à une question écrite que les chercheurs de l'UCL avaient procédé le 6 juillet à l'ouverture des tas de broyats et que les analyses étaient en cours. Les résultats et le rapport officiel final, a-t-il indiqué, étaient attendus pour la fin du mois de septembre 2020. Madame la Ministre m'a également indiqué dans une réponse précédente que la période de subvention de l'étude prenait fin le 15 octobre 2020.

    Le rapport final de l'étude de l'UCL sur l'humusation a-t-il été finalisé ?

    Madame la Ministre a-t-elle pu prendre connaissance de ce rapport ?

    Quelles en sont les principales conclusions ?

    Quelles sont les suites que le Gouvernement entend donner à cette étude ?
  • Réponse du 19/11/2020
    • de TELLIER Céline
    Le rapport final de l’étude menée par l’Université Catholique de Louvain intitulé « Conversion aérobie des dépouilles - Validation méthodologique » m’est parvenu le 20 octobre dernier. Je livre ci-dessous une synthèse de ce rapport.

    L’incinération et l’inhumation traditionnelle ont un impact sur l’environnement.

    En effet, la première est consommatrice de ressources fossiles et la seconde laisse des sols pollués. Cette observation est le point de départ d’une série de recherches sur les méthodes alternatives de gestion des dépouilles, certaines technologiques, d’autres visant les procédés les plus écologiques possibles.

    Parmi ces dernières, l’humusation naturelle ou biologique s’intéresse au compostage aérobie des dépouilles. Les dépouilles sont déposées sur un lit de matière compostable (broyat de branches, feuilles…) et recouvertes de ce même matériau jusqu’à formation d’une butte. Après trois mois sans intervention, les os nus sont récupérés, broyés et réintégrés à la butte pour maturation du compost.

    Fin 2018, une étude subventionnée par la Wallonie a été mise en place avec pour objectif de vérifier la faisabilité de cette méthode, d’établir le cas échéant un mode opératoire reproductible et de garantir que l’humusation est neutre d’un point de vue environnemental.

    Une première expérience a été menée du 14 décembre 2018 au 20 mars 2019 et une seconde du 17 décembre 2019 au 6 juillet 2020, toutes deux sur des dépouilles de porcs.

    En effet, une expérimentation sur modèle animal est un prérequis pour toute étude sur dépouille humaine et le porc présente des caractéristiques assez proches des humains (poids, taille et physiologie).

    Au terme de chaque essai, l’exhumation a révélé des carcasses de porcs faiblement décomposées et des restes d’aspect blanchâtre et gras, résultat de la transformation des graisses en savons imputrescibles. De plus, la température mesurée au centre des buttes tout au long des essais indique une hygiénisation insuffisante du contenu des buttes et une influence de la température extérieure sur le bon déroulement du compostage.

    Les résultats attendus n’ont donc pas été obtenus bien que la durée des expériences dépassait largement les trois mois : 13 semaines et 30 semaines respectivement.

    Plusieurs facteurs et phénomènes ont été identifiés comme limitant le processus de compostage.

    Premièrement, le rapport carbone/azote du matériau compostable, trop élevé lors du premier essai, a été optimisé pour l’essai en 2019-2020. Cela a permis d’atteindre des températures plus élevées, supérieures à 60 °C.

    Dans un second temps, l’apport en oxygène au centre des buttes s’est révélé insuffisant, ce qui a provoqué la chute prématurée de ces températures élevées.

    Une dernière hypothèse est que l’accumulation des liquides de décomposition des dépouilles a modifié localement les conditions favorables au compostage.

    L’analyse des sols sous les buttes d’humusation a révélé des quantités d’ammoniaque jusqu’à 57 fois plus élevées que dans l’échantillon de sol témoin. La minéralisation de cet excès d’ammoniaque en nitrates lessivables pourrait entraîner la pollution des cours d’eau, comme régulièrement observée entre octobre et décembre. Les analyses effectuées n’ont pas mis en évidence d’autres polluants potentiels.

    Outre les impacts environnementaux mis en évidence et les inquiétudes en termes d’aménagement du territoire, d’environnement et de gestion communale, il faut aussi intégrer des questionnements en termes d’impact psychologique pour les acteurs et les familles, de traitement des restes (dents, ossements ou prothèses) ou de répartition des responsabilités. La formation des acteurs est également un sujet primordial, tout comme une évaluation correcte de l’attente réelle des citoyens.

    À ce stade donc l’étude ne permet pas de conclure que l’humusation naturelle est une alternative viable aux process habituels, mais je recevrai en temps utile les responsables scientifiques de l'étude, ainsi que les services administratifs concernés pour disposer d'une vision globale sur ce sujet qui touche beaucoup de personnes qui désirent diminuer leur empreinte environnementale tout au long de leur existence et donc aussi en fin de vie.