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Densification de l'habitat en zone rurale.

  • Session : 2005-2006
  • Année : 2006
  • N° : 153 (2005-2006) 1

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  • Question écrite du 05/04/2006
    • de STOFFELS Edmund
    • à ANTOINE André, Ministre du Logement, des Transports et du Développement territorial

    Il faut savoir ce que l'on veut. Si nous voulons éviter que les zones d'habitat à caractère rural s'étendent telles que les jambes d'une araignée et qu'au bout de la course, on passera d'un village à l'autre en restant en permanence en zone d'habitat à caractère rural, il va falloir être un peu plus souple lorsqu'il s'agira d'octroyer ou de refuser des permis d'urbanisme ou des permis de lotir.

    En effet, les zones d'habitat à caractère rural ne sont pas nécessairement caractérisées par une pénurie de terrains à bâtir. Le phénomène que l'on y rencontre assez souvent est celui de la rétention foncière. L'un et l'autre étant fort dérangeant pour le candidat-bâtisseur qui n'est pas encore propriétaire d'un tel terrain, ou pour les parents qui ne disposent que d'un bien en zone d'habitat alors qu'ils ont plusieurs enfants porteurs d'un projet de construction.

    Deux pratiques administratives y font obstacle. A mon avis, ces pratiques administratives peuvent tantôt se justifier, tantôt être trop rigides, c'est en fonction des données ponctuelles que la réponse devra être donnée.

    La première : l'interdiction de densifier l'habitat dans les zones d'habitat à caractère rural, mais à proximité immédiate des zones agricoles, p.ex. aux entrées des villages.

    La deuxième : l'interdiction de construire en deuxième rang dans une zone à caractère linéaire. A ce que je sache, le terme « linéaire » définit la profondeur de la zone d'habitat, mais n'interdit pas la construction en deuxième rang pour autant que l'accès à la voirie publique soit garanti.

    A mon avis, ces deux obstacles ne sont pas fondés sur des arguments d'ordre légal, mais doivent plutôt être considérés comme des arguments d'opportunité, auquel cas la commune, si elle juge que la demande est justifiée et ne crée pas d'inconvénient à la collectivité locale, aurait la possibilité de déroger par rapport à l'avis du fonctionnaire délégué.

    A cet égard, je souhaiterais connaître l'avis de Monsieur le Ministre ? Quelle va être la ligne de conduite à adopter ?
  • Réponse du 27/04/2005
    • de ANTOINE André

    Pour donner suite à la question posée par l'honorable Membre, j'ai l'honneur de lui présenter les éléments d'information qui m'ont été transmis par l'administration.

    La question appelle en fait des réflexions de deux ordres. D'une part, il convient de se référer aux options de conception de l'aménagement du territoire et, d'autre part, à des notions relevant de sa mise en œuvre, à savoir des réflexions relevant plutôt de l'urbanisme.

    Relevons tout d'abord que l'étude de l'évaluation du potentiel foncier de la Wallonie établie par l'ICEDD en mars 2006 conclut que les zones d'habitat à caractère rural présentent une disponibilité brute de plus de 44.500 hectares, soit 52 %. Dans les zones où une pression foncière est constatée, et pour répondre au postulat de l'honorable Membre quant au manque de disponibilité en terrains à bâtir, il conviendrait d'encourager les communes et les pouvoirs publics en général à appliquer les outils de politique foncière disponibles dans le Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine.

    Au niveau de l'aménagement du territoire, l'administration est tenue de respecter les principes du Schéma de développement de l'espace régional, le SDER, adopté par le Gouvernement wallon le 27 mai 1999.

    La mise en œuvre du projet de développement territorial retenu par le Gouvernement préconise ainsi, dans le chapitre visant à « structurer les villes et les villages » de densifier l'urbanisation.

    L'honorable Membre évoque la pratique de l'administration d'interdire de « densifier l'habitat dans les zones d'habitat à caractère rural, mais à proximité immédiate des zones agricoles, par exemple aux entrées des villages » (il s'agit donc, en d'autres mots, des extrémités des villages).

    Sur ce point, la pratique de l'administration est conforme aux orientations du SDER. Le SDER reconnaît effectivement que « pour éviter la dispersion de l'habitat et renforcer les villes et les villages, il est nécessaire d'accroître la densité de l'urbanisation et particulièrement autour des lieux centraux ». Les objectifs reconnus sont d'offrir une variété d'activités dans un espace restreint, de faciliter l'organisation des services et de moyens de transports performants, d'économiser l'espace et de réduire les coûts d'équipement (voirie, assainissement, …).

    Le SDER vise à promouvoir une densification équilibrée. Il reconnaît que le territoire doit être structuré de manière à concentrer les activités et les logements dans les lieux suffisamment denses, tout en respectant les caractéristiques urbanistiques des centres anciens.

    En ce qui concerne la densification portant sur la fonction résidentielle, le SDER rappelle différents moyens qui peuvent être mis en œuvre pour accroître les possibilités de logement dans les centres comme, par exemple, la construction sur des terrains non encore bâtis, la réduction de la taille des parcelles, la réoccupation de logements vides, la réaffectation de bâtiments, … La densification ne peut cependant pas nuire à la qualité de vie, notamment en ce qui concerne les intérieurs d'îlots.

    Dans les villages, le SDER préconise d'éviter l'urbanisation en ruban le long des routes et lui préfère l'organisation d'ensembles structurés autour du centre, ainsi qu'une densification de celui-ci en harmonie avec les caractéristiques locales.

    Le SDER encourage la densification des villes et non le développement du nombre de nouveaux habitants dans les campagnes. La variété des activités est également recommandée pour que les villages restent ou redeviennent de véritables lieux de vie.

    Notons que lorsque l'on parle de zones d'habitat linéaires, il s'agit bien,conjointement, de développements tentaculaires de l'habitat le long d'une voirie et sur une faible profondeur, et non uniquement, comme le retient l'honorable Membre, de zones d'habitat présentant une faible profondeur.

    Les options d'aménagement du territoire sont traduites en Région wallonne au niveau des plans de secteur. Si plus d'un aménageur regrette aujourd'hui la configuration des zones d'habitat à caractère linéaire, la révision des plans de secteur en vue de redessiner la configuration de certaines zones d'habitat n'est cependant pas à l'ordre du jour du Gouvernement.

    Dès lors, et en vue de répondre à la deuxième préoccupation de l'honorable Membre portant sur « l'interdiction de construire en deuxième rang dans une zone à caractère linéaire », il convient de préciser les lignes de conduite de l'administration en ce qui concerne la mise en œuvre des options du SDER relevant de l'urbanisme, par ailleurs déjà évoquées rapidement ci-dessus.

    Les zones d'habitat linéaires inscrites aux plans de secteur ont été conçues pour l'implantation d'un seul bâtiment à front de la voirie. Elles sont établies sur une profondeur de 50 mètres à partir de la voirie.

    Le SDER et différentes politiques de la Région wallonne telles que les règlements généraux sur les bâtisses en site rural, encouragent le respect de la typologie locale des villages, englobant le respect des implantations par rapport au parcellaire, des orientations concernant les gabarits, tout autant que l'utilisation de matériaux locaux. Les constructions souhaitées aujourd'hui par les particuliers dans les zones d'habitat linéaires conduisent plutôt à un habitat de type pavillonnaire, entraînant une perte d'identité des villages.

    Le maintien d'une certaine qualité du cadre de vie dans ces zones conduit l'administration à y retenir des densités qui doivent rester faibles. En effet, outre le souhait du respect des alignements, se profile une organisation pertinente des bâtiments sur de telles parcelles, qui, tout en utilisant rationnellement l'espace, limite les infrastructures nécessaires pour les déplacements, garantit une intégration paysagère, ainsi qu'une intimité (absence de vues directes, de vis-à-vis, quiétude des riverains, …).

    Une partie de ces zones d'habitat à caractère rural linéaires inscrites aux plans de secteur ne peuvent être reliées au réseau d'égouttage public. Il ne convient dès lors pas non plus d'y multiplier les constructions pour ces raisons.

    Les questions de mobilité, de gestion des transports en commun et d'adaptation des voiries pourraient également être développées.

    On peut enfin noter, par exemple, que la construction « en deuxième rang dans une zone d'habitat à caractère linéaire » reviendrait à construire, sur une parcelle de 50 mètres de profondeur, deux habitations d'une moyenne de 12 mètres de profondeur chacune. Comptant que le bâtiment situé le plus près de la voirie est rarement établi à front de la parcelle, mais plutôt sur un alignement, et qu'une voie d'accès au bâtiment de fond est nécessaire, cette situation théorique conduirait à ce que chacune des habitations dispose d'un jardin de moins d'une dizaine de mètres de profondeur… Viennent bien souvent s'y greffer par la suite la construction d'un garage, d'un abris de jardin, le placement d'un barbecue, puis d'une piscine, … empiétant de plus en plus vers, si pas dans, la zone agricole voisine.

    De nouveau petits « îlots » seraient ainsi réalisés sans aucune garantie d'une cohabitation harmonieuse ni esthétique, ni entre riverains, ni avec les autres activités.