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L'application aux sous-traitants des règles en matière de conflits d'intérêts dans la passation des marchés publics communaux

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 37 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 06/11/2020
    • de DEMEUSE Rodrigue
    • à COLLIGNON Christophe, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville
    Je fais suite à la réponse reçue ce 20 octobre 2020 à la question écrite que j'adressais à Monsieur le Ministre le 14 octobre 2020 au sujet des conflits d'intérêts dans l'attribution de marchés publics communaux dans la Commune de Bièvre.

    Dans sa réponse, il confirmait les faits évoqués par la presse en ce qui concerne l'attribution de plusieurs marchés publics communaux, entre 2011 et 2014, à des entreprises dont la liste des sous-traitants mentionnait l'entreprise dans laquelle le bourgmestre avait des intérêts.

    Monsieur le Ministre indique toutefois que « le SPW IAS n'est pas en mesure de déterminer si un conflit d'intérêts au sens du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, de la législation relative aux marchés publics, du Code civil ou du Code pénal doit être soulevé ».

    Pourrait-il m'indiquer ce qui empêche le SPW de déterminer la présence ou non d'un conflit d'intérêts à partir du moment où les faits sont confirmés ?

    Comment se fait-il que les règles légales applicables en la matière à l'époque des faits ne puissent être déterminées ? L'administration n'est-elle pas tenue d'analyser cette question ?

    Peut-il en tout état de cause confirmer que les règles relatives aux conflits d'intérêts dans les marchés publics sont bien applicables aux sous-traitants à l'heure actuelle ?
  • Réponse du 27/11/2020
    • de COLLIGNON Christophe
    Je tiens à souligner d’emblée que je n’ai pas confirmé que des marchés publics, entre 2011 et 2014, avaient été attribués à des entreprises dont la liste des sous-traitants mentionnait l’entreprise dans laquelle le bourgmestre avait des intérêts.

    En effet, le SPW IAS n’a pas été en mesure de déterminer s’il y avait effectivement un conflit d’intérêts au sens du Code de la démocratie locale et de la décentralisation ou de la législation relative aux marchés publics dans le cadre des marchés soulevés par l’article du magazine Le Vif sur la base des informations transmises par le collège communal de Bièvre.

    À la lecture de ces pièces officielles, il est apparu que les sociétés citées dans la liste des sous-traitants établie par l’adjudicataire n’étaient pas clairement identifiées dans la mesure où aucun numéro d’entreprise n’était mentionné, ce qui ne permet pas d’établir l’identité des actionnaires desdites sociétés. En outre, le SPW IAS n’avait pas connaissance des relations qui unissaient monsieur Clarinval aux sociétés sous-traitantes.

    Dès lors, le SPW IAS a constaté les éléments suivants :
    - en tout état de cause et malgré les griefs soulevés par l’article du Vif, l’exercice de la tutelle ayant déjà eu lieu, les délibérations en cause des 3 octobre 2011, 7 janvier 2013 et 13 octobre 2014 ne peuvent plus être annulées par l’autorité de tutelle.
    Il est rappelé que, dans le cadre de la tutelle générale à transmission obligatoire exercée à l’époque, d’une part, la liste des sous-traitants n’est pas systématiquement une annexe obligatoire à l’offre et qu’elle peut, sauf certaines hypothèses, être modifiée en cours d’exécution du marché public et, d’autre part, cette liste ne fait pas partie des pièces justificatives devant être jointes à l’acte administratif à transmettre à l’autorité de tutelle. À ce sujet, je renvoie monsieur le député à l’actuelle circulaire du 21 janvier 2019 dont le contenu, à cet égard, est identique à celui de la circulaire applicable à l’époque ;
    - si d’autres délibérations ont été transmises ou évoquées par le collège communal, celles-ci datant de 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, elles ne pourraient, en tout état de cause, plus faire l’objet d’une annulation. En effet, la jurisprudence du Conseil d’État, établie notamment par les arrêts no 195.979 du 11 septembre 2009 et no 196.917 du 13 octobre 2009, considère que les décisions des autorités de tutelle doivent intervenir dans un délai raisonnable après les décisions litigieuses, afin de ne pas contrevenir aux principes de sécurité juridique et d’autonomie communale.

    Pour ces différentes raisons, il a été décidé de transmettre ce dossier au parquet, lequel dispose de moyens d’investigations plus étendus et pourra s’il l’estime nécessaire prendre toutes les mesures adéquates afin de déterminer les relations concrètes entre Monsieur Clarinval et les sociétés concernées. Au surplus, il convient de constater que le champ d’application de l’article 245 du Code pénal est sensiblement plus large que celui du CDLD.

    Les règles applicables en matière de conflits d’intérêts à l’époque des faits peuvent néanmoins être déterminées :
    - comme précisé ci-avant, les délibérations en cause ne peuvent plus faire l’objet d’une annulation par l’autorité de tutelle ;
    - l’éventuelle prise d’intérêt et l’application de l’article 245 du Code pénal relèvent de la compétence des cours et tribunaux. Il n’appartient donc ni au SPW IAS, ni à l’autorité de tutelle de se prononcer à cet égard.

    Au surplus, le SPW IAS poursuit son instruction à l’égard de délibérations pouvant encore, le cas échéant, faire l’objet d’un contrôle de tutelle.

    En ce qui concerne l’application des règles relatives aux conflits d’intérêts dans les marchés publics visés tant par la législation spécifique que par le CDLD, celles-ci pourraient trouver à s’appliquer aux sous-traitants suivant les circonstances du cas d’espèce dans la mesure où :
    - l’article L 1125-10 du CDLD interdit à tout membre du conseil et du collège de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune. L’adverbe indirectement m’apparaît interdire aux membres du conseil ou du collège d’agir par personne interposée ;
    - l’article L1122-19 du CDLD interdit à tout membre du conseil et du collège d’être présent à la délibération sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d’affaires, avant ou après son élection, ou auxquels ses parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement ont un intérêt personnel ou direct ;
    - l’article 6 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics prévoit qu’il est interdit à tout fonctionnaire, officier public ou toute autre personne liée à un adjudicateur de quelque manière que ce soit, en ce compris le prestataire d’activités d’achat auxiliaires agissant au nom de l’adjudicateur, d’intervenir d’une façon quelconque, directement ou indirectement, dans la passation ou l’exécution d’un marché public, dès qu’il peut se trouver, soit personnellement, soit par personne interposée, dans une situation de conflit d’intérêts avec un candidat ou un soumissionnaire. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, cette interdiction n’est pas d’application lorsqu’elle empêcherait l’adjudicateur de pourvoir à ses besoins.

    Néanmoins, l’application de ces dispositions est complexe et nécessite une analyse au cas par cas. Ainsi, il est impossible d’en déduire une règle générale applicable en toute hypothèse aux sous-traitants.