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L'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne

  • Session : 2020-2021
  • Année : 2020
  • N° : 116 (2020-2021) 1

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  • Question écrite du 10/11/2020
    • de LUPERTO Jean-Charles
    • à HENRY Philippe, Ministre du Climat, de l'Energie et de la Mobilité
    L'environnement est un des sujets qui s'est imposé comme étant un sujet récurrent de notre époque. Les défis à relever sont immenses et d'une importance cruciale afin que les générations futures héritent d'un monde sain. La lutte contre le réchauffement climatique s'est donc intensifiée avec les années et a accouché de réformes dans une grande majorité des pays du monde. Je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont été décidées dans la DPR, je n'évoquerai ici qu'une proposition faite par Monsieur Jadot, eurodéputé, qui souhaite que l'Europe adopte une taxe carbone aux frontières.

    Sa logique est de taxer les pays qui ne font pas d'efforts pour limiter leurs émissions de CO2. La mesure aurait pour effet d'encourager ces pays à réduire leur taux d'émissions et favoriser ceux qui s'inscrivent dans une logique écologique dans leurs industries. Cette taxe devra, bien évidemment, respecter les lois de l'OMC, afin d'éviter de créer une zone de concurrence déloyale, mais si elle voit le jour, elle pourrait rapporter entre 5 et 14 milliards d'euros.

    Quelle est la position de la Wallonie, face à cette proposition de taxe ?

    Une adaptation wallonne de cette taxe pourrait-elle être envisagée avec nos partenaires commerciaux ?

    Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé à porter, à l'échelle européenne, la création d'une banque du climat à même de financer les investissements nécessaires à la transition, sur base du modèle du pacte finance-climat, garantissant des recettes innovantes et stables et financée par un impôt européen sur les profits des sociétés modulé en fonction de leur bilan carbone et par un financement à 0 % de la BEI par la BCE.

    Comment cette taxe carbone pourrait-elle s'accorder avec cet objectif ?
  • Réponse du 18/01/2021
    • de HENRY Philippe
    L'augmentation de l'ambition climatique de l'Union européenne (UE) dans un contexte de politiques climatiques mondiales asymétriques nécessite - entre autres instruments - un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Si la Région wallonne soutient l'idée générale d'un tel mécanisme au niveau de l’UE, il convient cependant de rester prudent avant de conclure que telle option est meilleure que telle autre sans avoir reçu les résultats de l’étude d’impact approfondie que la Commission est en train de préparer. Une telle étude d’impact permettra à la Région wallonne de mieux se positionner sur la mise en place d’un tel mécanisme. Il est notamment nécessaire de mesurer avec précision l’impact social et économique du mécanisme par pays et par sous-secteurs et de garantir que ce futur mécanisme apportera des avantages mutuels pour la politique climatique de l'UE, pour la compétitivité de son industrie et pour les intérêts des citoyens européens.

    Pourquoi un tel mécanisme semble indispensable ?

    Atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 représente un immense défi. De la même manière, le passage de l'objectif de réduction des émissions de l'UE à 2030 de -40 à -55 % pose des questions fondamentales pour la compétitivité internationale de nombreux secteurs industriels européens. Cela est particulièrement vrai pour les secteurs qui combinent des émissions et des intensités commerciales élevées. La décarbonisation des industries à forte intensité énergétique nécessitera notamment le déploiement de technologies qui impliqueront, au moins à court terme, des investissements importants et donc des surcoûts pour les secteurs concernés. Ce sont ces surcoûts qu’il faudra pouvoir supporter en garantissant aux entreprises un seuil de compétitivité satisfaisant au regard de la concurrence extra-européenne en évitant la tentation d’une délocalisation d’opportunité.

    Dans ce contexte, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières proportionné et ciblé devra protéger l’industrie européenne de la concurrence déloyale des produits importés dans l'UE en provenance de pays où les systèmes de tarification du carbone ou les objectifs climatiques ne sont pas comparables, voire inexistants.

    L’allocation gratuite dans le cadre de l’ETS dont bénéficient certains secteurs comme l’acier et le ciment n’est pas calibrée dans la perspective du renforcement attendu des ambitions à l’horizon 2030 et d’un objectif de neutralité carbone en 2050, car le nombre de quotas à distribuer gratuitement a par définition vocation à diminuer en fonction de l’objectif européen. À plus ou moins long terme, avant 2050, il n’y aura donc plus du tout de quotas gratuits à distribuer.

    C’est pourquoi un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières serait donc plus approprié dans le long terme que le système actuel d’allocation gratuite, car il permettrait le temps qu’il faudra de limiter les fuites de carbone.

    La mise en œuvre d’un tel mécanisme comportera de nombreux défis. On peut parler, par exemple :
    - du choix d'une base juridique adaptée qui permettrait d'adopter l'instrument par le biais d'une procédure législative ordinaire souple que pourraient adopter les États membres en l’absence d’unanimité au niveau de l’UE ;
    - de la définition d’un champ d'application réaliste qui pourrait, dans un premier temps, être ciblé sur les secteurs qui ont besoin d'un tel système pour assurer leur compétitivité au niveau mondial ;
    - le respect de la conformité aux règles de l’OMC. Un commerce international équitable et réglementé, fondé sur des règles multilatérales, reste important pour l'industrie de l'UE. Un tel mécanisme ne doit donc pas être conçu de manière à nuire à l'insertion de l'industrie européenne dans les chaînes de valeur mondiales ;
    - le niveau ou l’intensité de l’ajustement. L'ajustement devrait, ainsi, être strictement proportionné aux coûts supplémentaires induits par les politiques climatiques européennes ;
    - la maximisation des effets positifs sur le climat. Les modalités du mécanisme qui seront mises en œuvre devront veiller à maximiser les retombées positives sur le climat ;
    - la protection des consommateurs, en particulier ceux aux revenus limités. Le mécanisme d’ajustement pourrait entraîner une hausse des prix des produits de consommation courante. Cela pourrait entraîner des conséquences négatives pour les consommateurs européens, en particulier ceux aux revenus limités. Cette dimension doit être prise en compte et des mécanismes correctifs sont à mettre en œuvre si nécessaire.