La main-d'œuvre qualifiée dans le secteur des énergies renouvelables
Session : 2022-2023
Année : 2023
N° : 392 (2022-2023) 1
2 élément(s) trouvé(s).
Question écrite du 18/04/2023
de CRUCKE Jean-Luc
à MORREALE Christie, Ministre de l'Emploi, de la Formation, de la Santé, de l'Action sociale et de l'Economie sociale, de l'Egalité des chances et des Droits des femmes
L'Allemagne, pays de 84 millions d'habitants, première économie d'Europe, compte actuellement 2 millions de postes vacants, dont 216 000 salariés dans le solaire et l'éolien, de l'ingénieur au technicien de maintenance. Alors que la transition énergétique est lancée et ne demande qu'à s'accélérer à la lecture du dernier rapport du GIEC, pour certaines entreprises actives dans le secteur des énergies renouvelables, c'est une question existentielle.
Wolfram Axthelm, le directeur général la fédération allemande des énergies renouvelables, préfère ne pas parler de manque de main-d'œuvre, mais plutôt d'opportunités d'emploi dans ce domaine. « Les perspectives économiques dans ce secteur sont très bonnes pour les 25 prochaines années au moins », dit-il dans la presse, ceci malgré les pertes d'emplois annoncées dans le secteur du charbon et du nucléaire.
Quelle est la situation en Belgique et en Wallonie aujourd'hui ?
Madame la Ministre a-t-elle des échanges avec le secteur pour rester à l'écoute de ses besoins ?
Comment peut-elle garantir la mise sur le marché de main d'œuvre qualifiée dans de brefs délais et sur le long terme ?
Collabore-t-elle avec la Fédération Wallonie-Bruxelles pour créer une complémentarité entre l'enseignement et l'offre de formation ?
Quelles sont les initiatives du FOREm et de ses partenaires privilégiés, les Centres de compétences ?
Sont-elles couronnées de succès ?
Réponse du 08/06/2023
de MORREALE Christie
À l’instar de l’Allemagne qui donne de très bonnes perspectives économiques dans les énergies renouvelables pour les 25 prochaines années, les perspectives d’emploi en Belgique (Énergie renouvelable : objectif atteint pour la Belgique en 2021 - FOD Economie (communiqué de presse) (fgov.be))et plus particulièrement dans la Wallonie connaissent une évolution tout aussi favorable à l’approche des années 2030. Il faut savoir, par exemple, que la Belgique a atteint, en 2021, son objectif européen : à savoir 13 % d’énergie renouvelable dans sa part de consommation finale d’énergie.
Pour revenir à la compétence qui est la mienne, sachez également que selon le rapport d’EDORA de mars 2023 (Présentation PowerPoint (edora.org)), les perspectives pour 2030 dans les filières du renouvelable en Wallonie avoisineront les 23 300 emplois équivalents temps plein (ETP) dont : - 43,5 % d’emplois directs ; - 44,9 % d’emplois indirects ; - 11,6 % d’emplois induits.
Parmi ces emplois, 40 % seront considérés en 2030 comme pérennes, difficilement délocalisables et donc nécessaires à l’opération, la maintenance et l’introduction d’entrants dans les filières, et 60 % seront liés à la mise en œuvre des capacités de production à maintenir par la suite.
À l’heure actuelle, les emplois pour le secteur des énergies renouvelables en Wallonie pour l’année 2022 représentent 8 111 emplois ETP dont : -46 % sont des emplois directs ; -42 % des emplois indirects ; -12 % des emplois induits.
Ainsi, avec ses plus de 8 000 ETP, le secteur des énergies renouvelables est comparable au secteur de l’industrie chimique en Wallonie.
Les résultats attendus pour 2030 dépendent de la réalisation des objectifs en matière de déploiement des énergies renouvelables définis par le Gouvernement wallon dans son Plan Air Climat Énergie (PACE) (https://energie.wallonie.be/servlet/Repository/pace-2030-adopte-gw-21-mars-2023.pdf?ID=73812) 2030, qui est passé en 2e lecture le 21 mars 2023.
Ce plan, pour rappel, traduit les ambitions formulées dans la Déclaration de politique régionale du Gouvernement wallon 2019-2024 de faire de la Wallonie une région exemplaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique (https://www.wallonie.be/fr/actualites/declaration-de-politique-regionale-du-gouvernement-wallon-2019-2024). Le PACE constitue la feuille de route pour rencontrer nos obligations européennes et internationales.
Ainsi le Gouvernement wallon impose de diminuer de 55% les gaz à effet de serre d’ici 2050 dans les différents secteurs. Les objectifs attendus sont donc ambitieux pour les énergies renouvelables au détriment de l’utilisation du nucléaire, à savoir, entre 2019 et 2030 : - Electricité (comprend l’éolien, le photovoltaïque, l’hydroélectricité et la géothermie profonde (électricité) : une croissance de 250 % est attendue ; - Chaleur (comprend les pompes à chaleur, le chauffage biomasse, la chaleur-fatale, le solaire thermique et la géothermie profonde (chaleur).) : croissance de 80 % estimée.
Pour préciser et spécifier ma réponse et afin que l’honorable membre ait une vision plus claire des objectifs attendus pour 2030, voici la ventilation des perspectives d’emploi listée par filière dans l’étude d’EDORA :
1) La filière « Eolien » :
Pour atteindre les objectifs, la filière éolienne devra doubler sa puissance installée actuellement, en prenant en compte une augmentation du facteur de charge moyen du nouveau parc, lié à des améliorations technologiques et à une hauteur moyenne de mât accrue. Elle comptabilisera jusqu’à 3 255 emplois en 2030. Ce qui signifie +118 % par rapport à 2022.
2) Le « Photovoltaïque » :
De 2023 à 2030, le photovoltaïque pourrait générer 2,56 milliards d’euros de valeur ajoutée en Wallonie. Près de 4 450 emplois seront affectés au photovoltaïque en 2030. Ce qui signifie une augmentation de 125 % par rapport à 2022.
3) La filière « Hydroélectricité » :
La filière hydroélectrique est déjà fort développée en Wallonie. Il reste désormais peu de place pour plus de capacité de production. Cette filière comptabilisera 149 emplois en 2030, dont 123 emplois pérennes liés à la maintenance et à l’opération.
4) Le « Solaire thermique » :
La production de chaleur via la filière solaire thermique devrait environ doubler entre aujourd’hui et 2030. Les emplois liés à la filière passeront de 76, en 2022, à 357 en 2030, soit +370 % d’augmentation.
5) Les emplois liés aux « Pompes à chaleur » :
Entre 2023 et 2030, le PACE ambitionne un quadruplement du niveau de production actuel des pompes à chaleur aérothermiques. Cette filière comptera 2 531 emplois en 2030, soit un peu moins de 6 fois le nombre d’emplois qu’elle comptabilise en 2022. La filière des pompes à chaleur géothermiques comptabilisera jusqu’à 2 586 emplois en 2030 (x26 par rapport à 2022).
Cette grande évolution au niveau des emplois provient des objectifs présents dans le PACE wallon qui indiquent un passage de 44 GWh de production en 2022 à 409 GWh en 2030.
6) La filière « Chaleur issue de la biomasse » :
La production de chaleur issue de la biomasse devrait atteindre 7 723 GWh en 2030. Les emplois liés à la filière passeront alors de 1 691, en 2022, à 3 762 en 2030 soit +122 %.
7) La « Biométhanisation » :
La filière biométhanisation prend en compte les objectifs en matière de production d’électricité, de chaleur, d’injection de biométhane sur le réseau ainsi que de production de bio-CNG. Un total de 1 372 emplois seront affectés à cette filière en 2030, soit 6 fois plus qu’en 2022.
8) La « Cogénération provenant de la biomasse solide » :
En termes d’emplois, les 638 équivalents temps pleins présents en 2022 passeront à 1 726 en 2030, cela nous donne une augmentation de 270%.
9) La « Géothermie profonde » :
Actuellement, il y a 3 projets de géothermie profonde en Wallonie : - St-Ghislain ; - Douvrain ; - Ghlin.
Les emplois estimés liés à cette filière sont de 24, dont 21 en opération et maintenance. Il est estimé que d’ici 2030, 146 emplois (+508 %) seront nécessaires, dont 71 en opération et maintenance (+238 %).
Pour la partie électricité de la géothermie profonde, il y a actuellement aucun projet en activité. Néanmoins, l’objectif acté par le PACE se traduit en un seul projet d’une puissance de 5 MW. Une fois le projet réalisé, il génèrera 19 emplois, dont 17 emplois en opération et maintenance.
10) La filière du « Bio-carburant » :
En Wallonie, la filière de production de biocarburant est exclusivement représentée par le producteur BioWanze, filiale du groupe allemand CropEnergie. À notre connaissance, aucun producteur concurrent n’a déposé de projet d’implantation d’une nouvelle usine sur le territoire wallon. Selon Biowanze, une hypothèse d’augmentation maximale de la production de 15 % peut être considérée.
L’ensemble des emplois occupés par la filière passeront de 1 255 en 2022 à 1 474 en 2030.
11) La filière « Chaleur fatale » :
Peu de données ont été recensées en Wallonie pour la chaleur fatale.
Le SPW est néanmoins en train de rassembler toutes les données afin d’obtenir une vision globale de la filière. Par hypothèse, 25 % de ce potentiel devrait être exploité d’ici 2030, 25 % pour 2040 et les 50 % restant pour 2050. Si ces prévisions sont respectées, la filière chaleur fatale comptabilisera jusqu’à 1 500 emplois en 2030.
En résumé, à ce jour, les impacts le plus importants sont et devraient se faire connaître en 2030 dans les filières de l’éolien, le photovoltaïque et la chaleur qui est issue de la biomasse. Les pompes à chaleur devraient, également, prendre une part de marché également.
Plusieurs initiatives ont été prises au niveau des Centres de compétence (Cdc). Le Centre de compétence Environnement accroît sensiblement son activité sur la thématique des énergies renouvelables.
Ainsi, en janvier 2023, une formation de technicien polyvalent en énergies renouvelables a vu le jour. Cette formation, de huit mois, présente un premier succès avec 16 stagiaires qui s’y sont inscrits.
Cette formation fait la part belle à l’hybridation qui est en cours sur les métiers des techniques spéciales. La polyvalence mise en avant dans cette formation vise à garantir le développement de compétences larges qui permettront à ces futurs techniciens de s’adapter aux évolutions du secteur des énergies renouvelables.
À ce stade, sont abordées les énergies suivantes : biomasse, géothermie, aérothermie, solaire thermique, solaire photovoltaïque. L’hydrogène devrait intégrer les prochaines sessions.
Une seconde nouvelle formation est en cours de développement : conseiller en énergies renouvelables. Il s’agit ici de former des concepteurs, des professionnels qui, demain, seront à même de proposer un plan de transition pour une habitation, un immeuble, une entreprise, et cetera. Cette formation sera au planning du Centre de Compétence Environnement dès le début de l’année 2024.
Le CdC Environnement veille à maximiser les chances d’accéder à ces nouvelles formations. Après un bilan de compétence, les personnes désireuses de s’engager dans ces filières porteuses se verront proposer une préformation adaptée, afin d’acquérir les bases de connaissances nécessaires à la poursuite de ces deux formations.
Enfin, le CdC Environnement reprendra dans le courant du second semestre de 2023, les formations photovoltaïques à destination des stagiaires qui terminent la formation d’électricien résidentiel dans les autres centres de formation du FOREm dont les CdC Construforms.
Les Centres de Compétence « Construforms » travaillent depuis de nombreuses années sur la filière de la construction durable (PEB, isolation, ventilation, et cetera). L’offre de formation a été adaptée en ce sens pour les filières classiques.
Les formations d’installateur électricien résidentiel évoluent, des modules spécifiques liés aux énergies renouvelables sont déployés. Aussi, outre les panneaux photovoltaïques ou l’habitat intelligent, l’installation de batteries domestiques est également visée. De nouvelles compétences sont également intégrées aux métiers des techniques spéciales : - montage et raccordement de pompes à chaleurs ; - pose de chauffage sol/mural ; - montage d’installation de VMC avec équilibrage et réglage.
Une nouvelle offre en ventilation et en isolation a vu le jour dernièrement.
Il faut savoir également que la question de la sensibilisation de l’ensemble des apprenants des filières des Construforms n'est pas en reste. Ces derniers suivront un module de sensibilisation environnementale au cours duquel l'enjeu des énergies renouvelables sera présenté.
Ce module est le fruit d'une collaboration entre les CdC précités (Construforms et Environnement). Au niveau des formations relatives à la maintenance des dispositifs énergétiques. Ce sont finalement des spécialisations de métiers déjà existants et en pénuries pour lesquels les centres de compétences maintiennent à jour les compétences. Je peux citer les métiers suivants : électromécanicien, frigoristes, chauffagiste, électricien.
Sur le long terme tous les CdC en lien avec la thématique « énergie » ont déposé des projets FSE/FEDER visant à assurer les investissements nécessaires à la transition énergétique dans leur périmètre respectif, et à augmenter leur capacité à sensibiliser et alimenter les filières en formation nécessaire à la transition énergétique.
Enfin, je travaille aux complémentarités entre l’enseignement et notre offre de formation. Cela se concrétise par des projets concrets. À titre d’exemple et en lien avec la thématique énergétique, je peux citer le projet pilote Trial.
Il s’agit d’une formation à la fois à l’école, en entreprise et au sein d’un Centre de Compétences. Ce projet vise via un financement Plan de Relance Wallon (activité 3, projet 2) à produire des heures de formation supplémentaire pour une formation en électricité.
Ce type de projet vise très clairement à augmenter l’attractivité et améliorer la formation au métier de l’enseignant qualifiant pour une meilleure insertion professionnelle des jeunes.
Comme l’honorable membre peut le constater, des réponses, des projets sont clairement apportés et je suis bien en phase avec l’importance de tout mettre en œuvre pour répondre aux demandes de ce secteur.